Petit dictionnaire du mouvement breton à l'attention de ceux qui racontent n'importe quoi : E2

Enquete publié le 26/09/11 18:37 dans Société par F. Lécuyer pour ABP
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Pour ce début d'automne, l'Agence Bretagne Presse vous propose chaque semaine, sous forme de dictionnaire, un tour d'horizon des mouvements, organisations et revues politiques bretons.

En effet, tout article sur le mouvement breton dans la «presse nationale» (c'est-à-dire la presse parisienne) entraîne l'arrivée d'un journaliste venu de Paris en TGV sillonnant durant une semaine (dans le meilleur des cas) la Bretagne dans une voiture de location. L'article résultant de ce périple sera, malheureusement, bien souvent perclus d'erreurs et d'approximations.

Le mouvement breton («an emsav») étant complexe et fluctuant, il convient d'en rappeler les réalités actuelles.

Le rédacteur étant débordé de travail il n'avait pu boucler en temps et en heures la liste des E. Après de multiples demandes et suggestions, voici les oubliés de la précédente livraison.

Edubreizh. Site internet d'apprentissage du breton

Profitant au maximum du boom des nouvelles technologies, l'association Skolanet a imaginé un système original de cours par internet. Le système est simple : un prof et plusieurs élèves chacun devant son ordinateur, coiffés de casques et armés de webcams recréent l'ambiance d'une salle de classe. Erwan Denez, Fulup Plouzane seront les premiers professeurs virtuels de EduBreizh dont la mise en place a été financée par la Région. 3 postes sont consacrés au projet. Le site est payant. L'objectif et le seuil de rentabilité ont été fixés à 500 abonnés.

Emglev an Tiegezhioů («Entente des familles/maisonnées»)

Association chrétienne et conservatrice bretonnante fondée en 1947 dont l'objet est la défense et la promotion de la famille bretonne chrétienne et bretonnante. Dans les faits, l'association rencontre une audience confidentielle, la personnalité du président de EaT, Tipod Gwilhmod, explique en partie cet état de fait tant le personnage ne brillerait pas par son ouverture d'esprit

Le bulletin d'Emglev an Tiegezhioù s'appelle Kannadig Imbourc'h («le bulletin de recherche»/le bulletin «d'Imbourc'h» (Recherche)), revue chrétienne en breton écrite dans une langue, totalement réinventée et «receltisée» (du moins dans son vocabulaire), qui est un sujet à polémique à part entière.

Emgleo Breiz («entente bretonne»). Fédération d'association de défense et de promotion du breton et des traditions bretonnes.

Avec la question «Emgleo Breiz» on touche au problème fondamental des différents courants du mouvement de défense et de promotion du breton. Opposé aux revendications nationalistes bretonnes, Emgleo Breiz entend se situer sur un terrain strictement culturel. Pourtant dès le départ, le discours politique transparaît, Emgleo Breiz se situant, en effet, dans le sillage des «patriotes français» de la Résistance, même si quasiment aucun cadre ou militant d'Emgleo Breiz n'a réellement fait partie de la Résistance.

Emgleo Breiz compta d'éminents défenseurs du breton mais son attachement au Falc'huneg (ou orthographe universitaire du breton) par soucis de se démarquer de l'héritage de Roparz Hemon l'a condamné à une audience limitée.

Aujourd'hui Emgleo Breiz, malgré un dynamisme certain en matière d'édition, est assez isolé de par ses choix orthographiques. Le peurunvan (l'orthographe inventée par Roparz Hemon) étant utilisé dans 99 % des publications et des écoles.

Emgleo Breiz ne s'illustra pas par son courage dans les polémiques nées lors des années 2000 autour de la personnalité et du parcours de Roparz Hemon, préférant hurler avec les loups jacobins plutôt que d'adopter un soutien, même critique, aux institutions bretonnes attaquées.

Emgleo Breiz publie le bimensuel Brud Nevez («Nouvelle renommée») -voir précédemment-

Emsav («mouvement»).

Le mot est utilisé depuis la fin du XIXè siècle pour désigner l'ensemble des mouvements/, partis, associations ou individus revendiquant peu ou prou deux points : une évolution statutaire pour la Bretagne (pour aller vers plus d'autonomie) et la sauvegarde de la langue bretonne celtique (ar brezhoneg). Depuis 1982 (voir même depuis 1941) ces deux points sont complétés par un troisième demandant la réunification de la Loire-Atlantique aux 4 autres départements bretons (la dite séparation ayant été mise en oeuvre par le gouvernement de Vichy et les autorités nazies mais c'est la loi de régionalisation de 1982 entérinant cette séparation et la création de toute pièce de la région dite des Pays de la Loire qui mettra le feu aux poudres).

3 points donc et... c'est tout tant on peut retrouver sous cette étiquette d'«Emsav» toutes les possibilités et couleurs présentes dans le spectre politique.

En pratique, l'Emsav a toujours péché sur un point précis ce qui permet à ses adversaires de s'engouffrer régulièrement dans la brèche créé par cette contradiction malheureuse.

En effet, l'emsav s'est toujours targué d'être le champion de la défense de la «vraie Bretagne», de sa langue et de ses traditions face à l'ogre jacobin centralisateur et ethnocidaire sensé représenter la vision d'une Bretagne assimilée et nivelée.

Or derrière ce mot «Bretagne» défendue et mise en avant, l'Emsav a toujours compris «Basse-Bretagne», c'est à dire la Bretagne bretonnante, la Bretagne celtique. La Haute-Bretagne, de langue gallèse, ayant toujours été, soit totalement ignorée, soit considérée quasiment comme une terre de conquête (voir les écrits de la revue Brittia dans les années 50). Certains extrémistes comme Olier Mordrel ayant même choisi de la considérer ouvertement comme «inférieure», elle et ses habitants (voir les termes du fameux texte contant un voyage en pays de Saint-Malo). Olier Mordrel étant lui-même gallo (et corse) d'origine, ce dénigrement de ses propres racines venait peut-être d'une affliction psychologique et familiale plus profonde.

Notons qu'à l'intérieur de l'Emsav il aura toujours existé une frange considérant la Bretagne dans son ensemble culturel et linguistique réel (l'Abbé Buléon dans les années 30 parlaient de «nos deux langues nationales» et organisait des fêtes religieuses en gallo et breton, Emmanuel Hemery membre du bureau politique du PNB était un militant du gallo et du breton et travaillait sur la matière de Haute-Bretagne, la grille de radio-rennes Bretagne durant la guerre contenait des émissions en gallo, «les compagnons de Merlin» fondés par le Vitréen Jean Choleau défendait l'idée d'une Bretagne bilingue dans les années 30, etc.).

Cependant cette question du gallo et de la Haute-Bretagne en général reste une épine dans le pied de l'Emsav qui a encore aujourd'hui du mal à se défaire d'un esprit de mimétisme par rapport à l'idéologie française «un peuple, une langue, un territoire» prêtant ainsi le flanc aux critiques des thuriféraires du jacobinisme français trop heureux d'appuyer régulièrement sur une contradiction flagrante.

Contrairement à l'emsav breton, les mouvements écossais (2 langues), kanaks (33 langues) ou guyanais (15 langues) notamment, ont eux, réussi à tuer le père représenté par l'idéologie française.

Relevons que cette négation du gallo et cet oubli de la Haute-Bretagne dans l'imaginaire de l'Emsav et l'écriture de son roman national a été fortement encouragé par l'absolu nullité du mouvement culturel et linguistique gallo (à quelques exceptions près) jusqu'à nos jours.

Petit florilège des contradictions et absurdités de l'Emsav :

- La Bretagne n'est pas composée de 5 pays traditionnels : Le pays vannetais, la Cornouaille, le Léon, le Trégor et le Pays gallo mais de 4 pays de Basse-Bretagne et d'une multitude de micros pays en Haute-Bretagne où le découpage historique est plus compliqué.

- La réalité linguistique de la Bretagne ne se compose pas comme suit :

- Une moitié du territoire qui parle historiquement breton et une autre moitié qui parle aujourd'hui français après avoir parlé breton à certaines époques de son histoire,

mais :

- Une moitié de son territoire qui parle historiquement breton (avec quelques enclaves romanisantes depuis longtemps éteintes), un quart de son territoire où le breton a été parlé à certaines époques (avec des enclaves bretonnantes depuis longtemps éteintes) et dont la langue historique est ensuite devenu le gallo et un quart qui n'a jamais parlé breton et dont la langue historique a toujours été le gallo.

- Le gallo n'est pas une forme locale du français mais une langue romane dont la proximité avec une autre langue latine devenue dominante, le français, a fini par donner récemment naissance à un patois mi-gallo mi-français. Beaucoup de locuteurs de naissance font cependant encore la différence entre ce patois et le gallo. Notons que cette évolution n'est pas propre au gallo, elle a également touché ces 50 dernières années l'occitan voire l'italien des immigrés italiens de France (donnant ainsi naissance au «Ritalien»)

- La vision de la Bretagne défendue historiquement par l'Emsav est paradoxalement une des principales causes de l'éloignement du sentiment breton de certaines franges des habitants de Loire-Atlantique. Cette Bretagne de carte postale et par trop «finistérienne» ne correspondant en rien à leur quotidien.

- En Bretagne il existe non pas deux quotidiens mais bien trois quotidiens : Ouest France, Le Télégramme et Presse Océan.

- En dehors des grandes villes (Nantes et Rennes), il n'existe qu'une seule classe bilingue breton-français (une classe Dihun à Vitré) à l'Est de la ligne Loth (ligne d'extension maximale du breton). Même si le breton est devenu un fait social largement partagé en Bretagne, l'absence de volonté d'appropriation du breton de la part du quart de la population bretonne pose le problème de la pertinence du discours classique emsavien de promotion de la langue bretonne dans certaines parties du pays.

- Contrairement aux idées reçues le «Centre-Bretagne» n'est pas à Carhaix mais à Loudéac, Carhaix étant la capitale du «Centre-Ouest Bretagne».

- Il existe bien une vie en Haute-Bretagne en dehors des pôles étudiants de Rennes et Nantes.

Etc.

Libre à chacun de compléter


Vos commentaires :
Dimanche 5 mai 2024
[Le gallo de st étienne des bois (en bretagne sud historique) n'a RIEN mais RIEN à voir avec celui de... Pordic en Penthièvre !] J'ai le tord d'avoir écrit et publié un article en breton très détaillé sur le problème de la gallomania dans le n° 40 de KAnnnadig Imbourc'h (on le trouve en ligne ou je peux lenvoyer tgwilhmod[at]orange fr) et sans citer l'article F Lécuyer m'accuse (dans le corps de l'article tendancieux sur Emglev An Tiegezhioù, qui est en réalité dans la ligne historique à la fois de Roparz Hemon et de l'abbé Perrot, de paranoia. C'est une calomnie , d'une bassesse. Aucune argumentation ! Il fait une attaque ad hominem au lieu de bien distinguer d'une coté les personnes toujours infiniment à respecter et les idées qui elles sont toujours susceptibles d'être débatues. On voit là le Malin, Paolig an Diaoul qui s'est trouvé en fait un parfait instrument de zizanie. En toute logique F. Lecuyer ne devrait pas être instit à Diwan mais dans une école en néo gallo superunifié qui n'existe pas encore. Le gallo ne mène nulle part mais loin de mois de le pousser dans la tombe : c'est une très vielle grand-mère qui y va tout droit et il n'y a pas de honte à mourir quand son temps est passé : la société rurale catholique a vécu, il n'y a plus besoin d'elle. Pour le breton c'est différent si on considère le problème de la manière dont il est parfaitement perçu par ses ennemis (récemment Luc chatel ministre de l'EN a pris position contre le breton en disant que la seule langue de la république française est le français ; on n'en sortira pas avec cet esprit jacobin) et en disant que le problème du breton est politique. Il faut insister et reprendre ce que disaient nos prédesseurs Mordiern, Hemon, Youenn Olier : parler breton n'a de sens que si nous voulons faire advenir une Nouvelle Bretagne, meilleure que le modèle de société promu par l'Etat français, point à la ligne. autrement dit parler breton c'est d'abord, concrètement , rejeter le modèle français. Est breton celui qui parle breton (ou la voudrait comme sa propre langue). Evidemment le conditionnement actuel de la population bretonne (qui compte en son sein quantité croissante de français d'immigration ancienne ou récente, voire d'origine extra européenne) fait que ce CHOIX est en réalité seulement possible au niveau des idées, de la politiques, des revues à diffusion «confidentielle» comme le dit Lecuyer en parlant d'Emglev An Tiegezhioù qui est la structure bretonnante qui réunit les familles catholiques bretonnantes, une association ouvertement nationaliste.evidemment. La vocation du gallo comme du breton sont dans la création de communautés linguistiques distinctes ayant un projet de société distinct de celui proposé pae la France jacobine laicarde relativiste matérialiste et j'en passe. Et pourquoi pas un modèle qui enlève à l'Etat toute possibilité de création de culture comme actuellement. Privatisation de la culture, principe de subsidiarité, coexistance de communautés linguistiques , cela semble possible. La question est de savoir si on est prêt à aller au désert voire au martyr (blanc s'entend !) pour que fleurisse sur cette presqu'île et ultimement j'ose penser au niveau de la planète , une société radicalement différente de celle dans laquelle la Bretagne bretonnante et galloisante (?) sont entrées de plain pied il y a en gros un siècle. Komz brezhoneg evidon a zo nac'h ar gevredigezh vrein a vremañ a-benn gervel da sevel ur gevredigezh e-lec'h e vo doujet ouzh al lezenn naturel hag ar feiz kristen (feiz an islam a zo tostoc'h ouzh gevier ha mac'homerez eget ouzh ar wirionez ; ar relijion gristen a zo karantez, n'heller ket lakaat an holl relijionoù war ar memes pazenn)
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