Petit dictionnaire du mouvement breton à l'attention de ceux qui racontent n'importe quoi : D

Enquete publié le 7/09/11 17:25 dans Politique par F. Lécuyer pour ABP
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Pour cette fin d'été, l'Agence Bretagne Presse vous propose chaque semaine, sous forme de dictionnaire, un tour d'horizon des mouvements, organisations et revues politiques bretons.

En effet, tout article sur le mouvement breton dans la «presse nationale» (c'est-à-dire la presse parisienne) entraîne l'arrivée d'un journaliste venu de Paris en TGV sillonnant durant une semaine (dans le meilleur des cas) la Bretagne dans une voiture de location. L'article résultant de ce périple sera, malheureusement, bien souvent perclus d'erreurs et d'approximations.

Le mouvement breton («an emsav») étant complexe et fluctuant, il convient d'en rappeler les réalités actuelles.

Cette semaine, la lettre D. (À noter que quelques précisions ont été apportées après publication)


Défi breton/Dae Breizh. Revue nationaliste sur internet.

Rédacteur en chef : Denez Leroy.

Le Défi breton est une revue originale dans le sens où elle se consacre majoritairement à la reprise d'article ayant trait à la Bretagne ou aux combats des peuples minorisés à travers le monde.

Malgré un taux de fréquentation présenté comme «en hausse», le Défi Breton vient d'annoncer la fermeture de son site cette semaine (voir notre article)


Dihunomp («Réveillons-nous»). Revue nationaliste de droite diffusée sur internet.

Rédacteur en chef : Paul Chérel.

Contrairement à la revue vannetaise du même nom («Dihunamb» créée au début du siècle dernier), Dihunomp n'est pas rédigée intégralement en breton mais majoritairement en français (avec quelques articles en breton et en anglais). Les 9 pages de Dihunomp s'adressent à un public nationaliste de droite : poids de l’État jacobin, dénonciation de la fiscalité, «gabegie européenne» et les traditionnelles revendications bretonnes sont ses thèmes de prédilection.


An Drouizig («Le petit druide»). Association pour l'usage du breton dans le monde des nouvelles technologies.

Créée en 2003, An Drouizig a traduit et adapté en breton un nombre considérable de logiciels. Un clavier adapté à l'écriture du breton et de l’espéranto a également été conçu et commercialisé par An Drouizig.

An Drouizig ne s'inscrit pas dans l'Emsav stricto sensu mais le but avoué de An Drouizig est d'oeuvrer pour que le breton retrouve une place de premier plan dans la société bretonne.


Dihun - Diwan - Divyezh. Écoles bilingues breton/français (Dihun et Divyezh) ou par immersion en breton (Diwan).

Dihun («Réveil»), Div Yezh («Deux langues/bilingue») et Diwan («Germe») sont surnommées «les 3 Di».

Diwan

Créée en 1977, Diwan est la plus ancienne des trois filières. Son histoire est connue et disponible notamment sur Wikipédia : [[École Diwan]]. Par contre, devant le succès de Diwan, un certain nombres de critiques a vu le jour :

Diwan est-elle un réseau d'écoles d'enfants de «militants bretons» ?

Les écoles Diwan sont, 34 ans après leur création, des écoles de village ou de quartiers. Toutes les sensibilités sont représentées et surtout les non-sensibilités. Diwan comptent à peine plus de «militants bretons» que les écoles publiques ou privées tant elles sont sorties du public strictement «militant breton». La propagande politique est interdite sous toutes ses formes dans les écoles Diwan, il existe, par conséquent, une forme d'auto-censure de la part des parents ou enseignants militants politiques ou syndicaux. Ce qui implique que, paradoxalement, les écoles Diwan bruissent souvent moins de discours politiques ou partisans que les écoles publiques.

Les écoles Diwan sont-elles des écoles d'enfants blancs appartenant aux couches sociales supérieures style «Bobos Breizh» ?

Une idée reçue popularisée par certains milieux jacobins veut que Diwan serait une école de bobos attirés par «l'exotisme du breton».

La réalité est pourtant bien différente. En effet, nombre d'écoles sont installées dans des quartiers populaires : Zup-Sud à Rennes, Bellevue à Nantes, Kerledé à Saint-Nazaire, Penhars à Quimper, Le Manio à Lorient, Coulée verte à Guérande, Gumunenn à Auray, etc...

Ces écoles se sont donc développées comme des «écoles de quartiers» accueillant des enfants de toutes origines. En campagne, certaines écoles sont tout bonnement les seules de la commune ou de certains hameaux importants (Loguivy à Lannion, Bohalgo à Vannes, collège de Plesidy, etc...).

Tout ceci entraîne une inévitable mixité sociale semblable à celle des écoles publiques. La plus grande école Diwan, celle de Nantes, compte par exemple des enfants de toutes origines et notamment beaucoup d'enfants d'immigrés. Dans un autre registre, à Saint-Nazaire, un enfant parlant une langue rwandaise a été encouragé par son instituteur à «sensibiliser» ses camarades de classe à sa langue maternelle.

Le bilinguisme des enfants scolarisés à Diwan, entraînant une capacité cognitive améliorée, expliquerait plutôt les résultats scolaires sans pareil dans l'hexagone. Malheureusement, la question de l'enseignement des langues étant un sujet trop sensible en France (l’Éducation nationale étant, il faut le dire, en échec permanent sur le sujet), le succès des enfants Diwan apparaît comme incompréhensible pour certains esprits.

Le Breton enseigné à Diwan est-il artificiel ?

Cette critique est récurrente concernant le breton enseigné à Diwan, notamment dans certains milieux ne connaissant pas la langue. La réalité est beaucoup plus complexe.

Aujourd'hui il est difficile de trouver un bretonnant de naissance, ayant reçu le breton par transmission naturelle, âgé de moins de 70 ans. La quasi-totalité des personnes âgées de 20 à 60 ans sont des locuteurs ayant appris ou réappris le breton en cours du soir ou qui ont été scolarisés en école... Diwan. De surcroît, l'écrasante majorité des bretonnants âgés vivent à la campagne (ceux résidant en ville ont souvent passé une bonne partie de leur vie à la campagne). De ce fait, il est de plus en plus difficile de trouver un professeur des écoles édenté, roulant les «R» et pratiquant un breton, certes savoureux, mais souvent perclus d'argot rural. Le breton du professeur des écoles lambda de chez Diwan ne trouve donc (pratiquement) jamais grâce aux oreilles des détracteurs à la recherche d'une "authenticité totale".

D'autre part, les concepts et les mots utilisés dans le cadre scolaire étant bien différents du monde rural, il existe, il est vrai, un décalage entre le breton parlé par un ancien agriculteur de 85 ans et un jeune élève de CE2. La spécificité de l'école et du monde moderne a entrainé la création de néologismes en breton que certains critiques jugent «blasphématoires» car incompréhensibles par «les anciens». Mais ce constat est également valable pour le français. En effet, à l'école Jules Ferry du 4e arrondissement de Paris, il est rare d'entendre qu'un ordinateur «c'est une mécanique que t'éclis dessus et qu'tu vas sul intelnet avec».

Le breton de Diwan est donc un breton adapté au monde actuel. La difficulté, qui existe parfois, pour certains enfants, à comprendre les personnes âgés en breton est souvent la même qui existe quand un jeune scolarisé à Paris va voir Mémé dans sa ferme du Loir-et-Cher.

Diwan a, par contre, réussi à garder globalement un enseignement en dialecte vannetais dans les écoles du pays vannetais, léonard dans les écoles léonardes, etc., garantissant ainsi un lien entre le breton de l'école et le breton entendu et parlé dans l'environnement proche.

Le noeud du problème est qu'il existe une tendance actuelle chez certains jeunes bretonnants à se comporter en «néo-vieux». C'est-à-dire à prétendre parler comme des personnes de 90 ans, à utiliser pléthores de mots français à la place de néologismes dont certains sont implantés dans la langue depuis fort longtemps, voire à écrire en écriture phonétique pour mieux restituer «l'essence du breton populaire», parce que "c'est comme ça que feraient les vieux".

Bien entendu, les "néo-vieux", comme les détracteurs jacobins des écoles Diwan considèrent que toute personne ne parlant pas un breton totalement calqué sur le breton "des anciens" est par nature "indigne de l'enseigner aux enfants".

Cette tendance est, il est vrai, une réponse à la tendance précédente qui consistait à parler breton avec une syntaxe et un accent francisés à l'extrême et à inventer des mots nouveaux imprononçables et ce afin de chasser la moindre trace de «roman».

Adepte d'une "voie médiane", le corps enseignant de Diwan s'efforce, dans sa majorité, de transmettre un breton respectant le plus possible la syntaxe, l'accent et la prosodie des bretonnants de naissance tout en l'adaptant au monde et aux réalités actuelles.

Div Yezh est un réseau de classes à parité horaire «breton-français» dans les écoles publiques.

Dihun est un réseau de classes à parité horaire «breton-français» dans les écoles privées.

À noter que cette parité horaire est théorique et dépend beaucoup de la volonté des maîtres et, parfois, de «l'ambiance» dans l'école. Certaines équipes pédagogiques voient en effet d'un très mauvais oeil l'arrivée de classes bilingues. La cause de cette hostilité est parfois liée à des raisons de maintien ou non de postes en unilingues mais parfois liées à des raisons plus idéologiques.

Dihun a mis en place un poste d'intervenante en langue gallèse pour les écoles en faisant la demande.

Dans les écoles Diwan, une école primaire (Questembert) et un collège (Vannes) proposent des cours de gallo.

Divyezh ne propose aucune possibilité de cours de gallo.


Vos commentaires :
Samedi 4 mai 2024
Bonjour à vous tous, Demat d’an holl !

Le sujet de la langue passionne toujours ! Et finalement c’est ce qu’il y a de positif dans tous les commentaires précédents. J’aimerais ajouter quelques réflexions personnelles au débat en cours.
Les langues (toutes les langues) ont un cycle d’évolution qui va de paire avec le peuple dont elles dépendent. Prenons un exemple concret : La civilisation égyptienne a couru sur des milliers d’années or, nous avons tendance à imaginer naïvement, victimes de « l’imagerie populaire » (la même qui nous fais croire que tous les vikings étaient blonds) à ne pas faire de distinctions objectives entre les égyptiens de l’Ancien Empire et ceux du Nouveau. Soyez bien conscient qu’un soldat de Ramsès II aurait eu bien du mal à saisir les propos d’un aïeul servant sous les ordres de Narmer. Cette évolution amena la transformation du système d’écriture courante (hors hiéroglyphes, l’écriture sacrée) qui passera ainsi du hiératique au démotique. J’ai conscience que cela est un rien ampoulé mais, cela rejoint le débat sur notre langue. Toutes les langues se transforment sous l’effet du temps. Il n’y a pas de langue figée car il n’y a pas de peuple figé, l’Homme n’est pas statue de sel. C’est parfois le résultat d’une lente évolution (comme c’est le cas du français, et ce depuis Richelieu), parfois la résultantes de guerres et de conquêtes (le gallo-romain, assez éloigné d’ailleurs de la langue compliquée de Cicéron) ou parfois, et c’est notre cas, à cause de la disparition des locuteurs originaux, contraignant les survivants, dans cette arrogance toute humaine qui consiste à lutter jusqu’au dernier, à se réapproprier un savoir sur le déclin contraint, faute de mieux, de réinventer une partie du patrimoine linguistique.
Les anciens étaient les détenteurs d’un savoir hérité tandis que les néo-bretonnant, dont je suis, sont porteurs d’un savoir enseigné. Rien à voir donc ! Soit, pourquoi pas !
Certes, comme tant d’autres, je peine sur les expressions où accents issus de mon terroir, même si j’essaie d’en faire vivre le vocabulaire. Grosso modo… je fais de mon mieux pour notre langue survive, car le réel objectif est là et pas ailleurs ! Un bémol tout de même : Les anciens où du moins une partie d’entre eux ne savait ni lire, ni écrire (c’était le cas de mon grand-père né en 1904) or, à notre époque où tous ce véhicule via Internet, ils est heureux que les néo-bretonnants, peu doués à l’oral si vous voulez, mais tatillons à loisir sur l’écrit puissent « porter » via ce vecteur jusqu’au bout du monde, en l’espace d’un clic de souris, ce qui reste de notre langue, elle aussi millénaire.
Un vieux proverbe bien de chez nous qui m’a été transmis par un ami du Pays Pourlet dit ceci : « Mettez deux bretons dans une pièce ; vous aurez une alliance… mettez en trois et vous aurez une guerre ! ». C’est triste de constater que ce n’est pas seulement une légende. Qu’importe que l’on enseigne le breton avec tel ou tel néologisme (pas toujours heureux, certes, mais quand bien même.), qu’importe qu’on fasse le choix de Diwan, Dihun ou Div Yezh, c’est là un choix qui appartient à chacun guidé par des motivations morales, philosophiques… le plat est différent ; mais nous dînons tous dans le même restaurant. Qu’importe aussi que l’on ne puisse parler exactement comme nos grands-parents et pour cause, ils se font rares et contre cela nous ne pouvons rien. Il est, au-delà de tous, face à un Etat qui au mieux ne s’occupe guère notre culture, au pire la combat farouchement, de s’allier vraiment, sans arrière-pensées, chacun avec sa vision des choses (et au final c’est tant mieux), car lorsqu’on n’aura plus qu’à s’occuper de savoir s’il faut utiliser « tout », « holl » ou « razh »… je pense alors que notre langue sera sortie de l’ornière dans laquelle elle s’enfonce lentement. Il restera alors aux linguistes l’éternité pour se battre mais surtout pour débattre de ces questions qui n’ont, au final, rien de futiles, et qui, pour tout amoureux de la langue de Basse-Bretagne reste passionnantes.
A Galon.

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