Per Denez est décédé la nuit du 30 juillet à Romillé. Les obsèques seront célébrées mercredi à Rennes à 14 h en l'église Notre-Dame-en-Saint-Melaine, près du Thabor.
Pierre Denis, dit Pêr Denez, était un linguiste, lexicographe, professeur d'université et écrivain de langue bretonne. Grand défenseur du brezhoneg, il parlait cette langue couramment et a publié de nombreux ouvrages en breton, des essais mais aussi une demi douzaine de romans. Il a aussi publié des méthodes pour apprendre le breton comme Brezhoneg Buan hag aes (1972) , des lexiques et des études sur les parlers locaux (en particulier la région de Douarnenez, l'objet de sa thèse). Ses réflexions sur la langue bretonne sont rassemblées dans le livre Yezh ha bro.
Élevé seul par sa mère, une couturière de profession, dans une ville, Rennes, où le breton n'est pas parlé, il l'apprend par lui-même à partir de l'âge de 13 ans et plus tard, en fréquentant les milieux militants pour la Bretagne pendant ses études universitaires à Rennes sous l'occupation allemande. Pendant cette période il fait la connaissance de Roparz Hemon, le père du renouveau de la langue bretonne, de la structuration de sa grammaire et de son orthographe actuelle.
En 1945, il reprend ses études qu'une grave maladie l'empêchait de poursuivre et prépare une licence d'anglais qui l'amène à passer un an à l'université d'Aberdeen, en Écosse. Il a d'abord enseigné l'anglais à Quimper, mais, selon Bernard Le Nail, en raison de ses engagements bretons, il est ensuite « exilé » à Périgueux.
Finalement il retourne en Bretagne lorsqu'il réussit à être affecté au collège de Douarnenez où il fait la connaissance de sa future épouse qui parle le breton et l'aidera dans ses recherches linguistiques lexicographiques. Il y crée aussi un [[bagad]].
Ayant passé une thèse sur le breton de Douarnenez, il est appelé comme maître de conférence à la Section breton et langues celtiques de l'Université de Rennes 2 Haute Bretagne où il est resté vingt-et-un ans. En 1981, grâce à son action, la licence de breton est créée sur décision du nouveau président de la République, François Mitterrand. Il obtiendra aussi l'installation d'un CAPES de breton (1983).
Pêr Denez a été président de la fédération des associations de langue bretonne, [[Kuzul ar brezhoneg]], président du Conseil Culturel de Bretagne et très présent à l'Institut Culturel de Bretagne, des structures qui ont suivi la visite du président Valéry Giscard d'Estaing lors de sa venue à Ploermel et l'élaboration de la [[Charte culturelle bretonne]]. Il avait d'ailleurs rencontré Giscard accompagné d'Yvonig Gicquel et de Polig Monjarret. C'est eux qui ont obtenu le co-financement des associations culturelles bretonnes par l'État. Son engagement politique pour la cause bretonne a été permanent toute sa vie et, à ce titre, Pêr Denez avait reçu le [[collier de l'Hermine]] en 1988 à Nantes.
Sa brillante carrière universitaire fut assombrie sur la fin par une violente querelle, sur la façon dont le breton doit être orthographié, avec une doctorante dont il avait la charge : Françoise Morvan. Celle-ci rendit public le débat et son point de vue dans un essai dans le genre «règlement de compte» intitulé Le Monde comme si. Ouvrage publié en 2003, dans lequel madame Morvan va rechercher tout ce que certains militants bretons ont pu dire ou écrire de malencontreux pendant la guerre et ceci dans le but de discréditer le mouvement breton contemporain, y compris Per Denez.
Philippe Argouarch
■Ce «treuzmarc'had» de trois tiers permettait à Giscard de maintenir la guéguerre entre les trois tenants du mouvement bretonnant de l'époque.
C'était un homme très affable (son accent breton était toutefois souvent épouvantable pour certains) et il savait faire l'unité.
Il aurait dû être notre Saunders Lewis ou notre Gynford Evans : il ne l'a pas été. Il a des excuses mais il ne l'a pas été. Il a été surtout celui qui a réussi à grapiller des miettes pour la langue bretonne en profitant de la montée et ensuite de la victoire de la gauche.
Mais c'était trop tard et il le savait.
T. Gwilhmod
Presidant Emglev An Tiegezhioù assiciation fondatrice de Kuzul ar Brezhoneg, exclue sous la présidence de Pêr Denez.
Pêr denez avait compris que c’est la langue qui différentie les états entre eux, parce que la langue est l’expression de l’esprit et que l’état doit incarner l’esprit d’un pays, comme la société et le territoire incarne son corps et sa personnalité. L’esprit de l’état est un état d’esprit !... C’est pourquoi on parle d’ « état philosophique » depuis Platon. C’est partout pareil. Pourquoi pas en Bretagne provinciale française pour qu’elle redevienne «Breizh » nationale européenne ? ...
A partir de Pêr Denez, Guy Etienne, Youenn olier, Ronan Huon, on n’a plus fait la confusion dans l’Emsav entre « SOCIÉTÉ, PEUPLE, NATIONALITÉ » et « ÉTAT, GOUVERNEMENT, CITOYENNETÉ ». Les membres d‘une société peuvent parler toutes les langues qu’ils veulent. Pêr Denez savait que cela n’a aucune importance politique, historique.
Pêr denez savait que les membres d’un état doivent parler leur langue d’état. C’est leur état qui fait l’histoire de leur pays, parce que c’est leur état qui dirige ce qui est politique et c’est ce qui est politique qui fait ce qui est historique au présent et au futur. C’est pourquoi Pêr Denez et ses amis se sont acharnés à créer une nouvelle langue d’état qui est celle de l’avenir de « Breizh », comme le français a été celle de l’avenir de « Bretagne ». Voir le site
La Bretagne a un état aujourd’hui. C’est l’État français et sa république décadent. Heureusement, car jusqu’à preuve du contraire, par quoi le remplacerait-elle ? Pour que « Bretagne » redevienne « Breizh », grâce à des hommes comme Pêr denez, elle doit re développer un état bretonnant en marge de l’état français déclinant. Quand cela sera nécessaire, il pourra répondre aux besoins de la société.
J’avais eu récemment Pêr Denez au téléphone. Il avait pensé « réformer » l’État français de l’intérieur en participant de son université. C’est ce qui l’a séparé de ses amis. Chacun a suivi sa route, séparément, ensuite. L’histoire nous dira qui avait raison. Ce qui est sûr, c’est que grâce à ces piliers, la relève est assurée au 21e siècle !
Yann-Bêr TILLENON, Président de KÊRVREIZH.
Pêr Denez, comme Guy Etienne, Youenn Olier et quelques autres nous a rappelé qu’ autrefois, après la mort du Duc Alan IV Fergant, à partir de Conan III en 1112, la première chose qu’a faite la France pour que « Breizh » devienne « Bretagne » c’est de franciser progressivement les nobles, responsables de l’État « Breizh ». Ils ont trahi et « Breizh » est devenue « Bretagne » aujourd’hui parce que l’État a été francisé. La société a suivi lentement. Le breton unitaire d’état, de « civilisation », de l’époque a éclaté en une multitude de dialectes de « cultures ».
Aujourd’hui le processus est achevé. « Bretagne » provinciale est l’ «Ouest-France » !.... Pêr Denez et les militants créateurs du troisième Emsav, ont fait en sorte que certains Français de « Bretagne » provinciale peuvent reconstruire l’État « Breizh » national d’Europe du troisième millénaire, comme il y a mille ans. Ils doivent, à cet effet, faire le processus inverse. C’est tout. C’est possible en une génération, comme en Israël, car les moyens de communication sont beaucoup plus rapides et importants aujourd’hui et le besoin se fait de plus en plus ressentir !...
Yann-Bêr Tillenon, Président de Kêrvreizh
Cela en devient navrant, à croire que c'est bien l'élément le plus inintéressant de l'identité bretonne (l'esprit de division, de micro-chapelles et de suicide) qui reste en vie.
La langue bretonne est en voie de disparation, toutes les personnes qui ont contribuées et qui contribuent à sa transmission, à sa promotion, à sa diffusion, à son enrichissement, à sa modernisation ont fait et font un geste inestimable pour la survie de la Bretagne et de sa personnalité culturelle.
C'est d'abord cela qu'il faut retenir dans une période où l'«alerte rouge» pour la survie du brezhoneg est enclenchée.
Pêr Denez était un idéaliste. Il cherchait à concilier les divergences et à harmoniser les contraires dans la tolérance. C’est ce qui en faisait un de ces fédérateurs des différences politiques ou ethniques dont nous avons tant besoin en Europe. Il avait été en cela dans le droit fil conducteur, dans l’essence même de l’histoire de l’Emsav. Il n’était donc pas du « mouvement breton » et de ses « guéguerres » sectaires entre tous ses singes copieurs de leurs maîtres jacobins français. Il n’était pas dans le plagiat de la pensée unique, de son pouvoir unique gauchiste ou droitiste reproduit fidèlement en français et même parfois en breton.
Pêr Denez n’était pas du socialisme fasciste, du libéralisme, du monarchisme gaulliste, du marxisme-léninisme, de l’anarchisme ou autres « ismes » français. Pêr Denez n’avait pas une pensée importée, parachutée. Il était dans l’unité-totalité de la vérité paradoxale qui est celle de l’Emsav authentique. Il restait donc fidèle à la « coincidentia oppositorum », la « conciliation des opposés » de la tradition celtique.
Ayant renoncé à l'union dans la diversité, le Français, Breton provincial ou pas, ne peut que rester prisonnier de la division manichéenne et de l’uniformité. Il doit toujours choisir entre “ceci OU cela”. En réalité, dans une vision celtique traditionnelle, coexistent et se concilient l’un et le multiple. Les choses sont simultanément“ceci ET cela”. La civilisation française dualiste du “OU” est condamnée et décadente. Aussi, un effort doit-il être fait aujourd'hui pour reconduire l’Emsav véritable à la civilisation du “ET”, unitaire et synchronique, admettant unité et pluralité pour que le Français « Breton » redevienne « Brezhon » bretonnant.
Pêr Denez le tolérant avait compris que cela se fera par la Sagesse du CENTRE. Elle est symbolisée dans toutes les grandes traditions par la voie du cœur. Elle permet d’acquérir un équilibre transcendant vers l’idéal : L’état philosophique « brezhon ». Lui seul permet de transcender les divergences et la paix souhaitée par Louis Le Bras. Il me semble que c'est à la redécouverte de cette sagesse atemporelle que nous a convié Pêr Denez pour bâtir l’État « Breizh » avant de nous quitter.