“Bagne à poules” de Glomel : Kergrist entendu par la gendarmerie

Interview publié le 30/06/11 10:31 dans Environnement par Fanny Chauffin pour Fanny Chauffin
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Interview du “secrétaire d'étable”. Le bras de fer continue.


ABP - Peux-tu résumer en quelques mots le combat mené par le B.A.G.N.E. à Glomel ?

Jean Kergrist - Notre association BAGNE (Breizh Association Glomel Nature Environnement) s'est donné pour but de défendre et de valoriser la grande Tranchée de Glomel sur le canal de Nantes à Brest. Nous sommes une bonne cinquantaine d'adhérents.

Versant valorisation, nous avons déjà créé un circuit pédestre permettant de rejoindre, à partir de la Tranchée, la fontaine du bagne (1823-1832). Après avoir signé une convention d'accès avec le propriétaire du terrain, nous avons aussi dégagé la fontaine et nous projetons de la restaurer. Depuis ces travaux, qui ont commencé en bénévolat le 1er mai 2010, des milliers de visiteurs ont déjà emprunté l'itinéraire que nous avons défriché. Chaque semaine des cars de touristes passent par Glomel et je dois très souvent me transformer en guide amateur, rôle que je m'étais créé dans un spectacle humoristique sur le Bagne il y a quelques années.

Côté défense, nous luttons depuis la fin de l'été 2009 contre un immense bagne à poules pondeuses (72.000) en projet à moins de 5 mètres des remblais de la Tranchée. Il s'agit d'une extension qui prévoit de dégager, par d'immenses ventilateurs, 550.000 mètres cubes/heure (c'est le chiffre avancé dans le dossier) de saloperies diverses : ammoniaque, bactéries, particules diverses et surtout le fameux gaz d'hydrogène sulfuré H2S (mortel).

En plus d'être une aberration économique – en Allemagne aujourd'hui aucune grande surface n'accepte de mettre en rayon des œufs produits en batterie – ce projet met en cause l'atout historique (évocation d'une page d'histoire), sportif (un centre de canoé kayak juste à côté), touristique (des milliers de visiteurs tous les ans) et environnemental (zone d'intérêt floristique et faunistique) de ce patrimoine exceptionnel. Mais le gros bulldozer de l'agrobusiness, constitué par des connivences et des intérêts énormes, s'est mis en route pour bousiller ce patrimoine qui nous est cher. Tous les coups tordus sont bons pour arriver à leurs fins, en particulier l'enlèvement par le maire de panneaux d'interdiction aux poids lourds sur une petite route communale, objet de notre manif du samedi 25 juin.


ABP - Tu as été entendu par la gendarmerie juste après la manifestation. Qui avait porté plainte et pour quelles raisons ?

Jean Kergrist - J'ai été l'objet d'une plainte en diffamation de la part du maire de Glomel concernant mon courriel privé d'appel à la manif, publié sur le site l'ABP : (voir notre article). Cette plainte était, j'imagine, destinée à m'intimider avant la manif.

J'ai été reçu très correctement par le brigadier de service. J'ai fait ma déclaration en distinguant bien le grief public (délit) et privé (simple contravention). J'ai avancé :

1- que je n'étais ni directeur de publication, ni journaliste, ni correspondant et que je n'avais aucun accès direct à ce site Internet... et que le plaignant pouvait toujours, s'il n'était pas content, demander à l'interlocuteur idoine (ABP) un droit de réponse, comme cela se fait généralement en matière de presse, du moins quand on est de bonne foi.

2- que le qualificatif d'«exploitant-exploiteur», ne s'adressait pas au plaignant. Le fait d'ailleurs qu'il l'ait pris pour lui ne cesse de m'interroger. Aurait-il quelque chose à se reprocher ?

3- que la mention «avec la complicité du maire», contenue dans ce mail privé, n'était pas diffamatoire car elle se rapportait à des faits non mensongers. Ces faits sont, au contraire, bien réels et précis. Ils étaient évoqués par tract lors de la manif du samedi matin par l'association B.A.G.N.E. En cas de poursuite judiciaire, l'association (qui assume la responsabilité de ce qu'elle avance) pourrait apporter les preuves évidentes de ce qu'elle énonce, en particulier les bidouillages dont a été l'objet le permis de construire accordé par le maire (cf le tract distribué par l'association).

Loin de me laisser intimider par quelqu'un qui voudrait étouffer l'affaire en contrôlant l'information, je pense que cette attaque, si elle va jusqu'à son terme judiciaire (inculpation), va nous permettre d'étaler sur la place publique tous les documents que nous avons et qui prouvent à l'évidence la «complicité» avancée. Ce sera en quelque sorte l'arroseur arrosé. On ne pouvait pas souhaiter mieux pour briser le cercle de l'étouffement de l'info qui commençait à se concrétiser (refus d'un quotidien de passer nos communiqués).


ABP - Quel est aujourd'hui pour toi le meilleur moyen de faire avancer en Bretagne une agriculture respectueuse des hommes et de l'environnement ?

Jean Kergrist - C'est la question essentielle, car elle est d'ordre politique. Nos petites résistances locales face aux gros lobbies bulldozer qui ont des moyens financiers énormes, des permanents et des juristes (et qui parfois n'hésitent pas à s'auréoler du drapeau breton), ne pourront faire le poids que si elles trouvent un relais politique.

À nous de peser de tout notre force. Mais le combat par moments semble désespéré. Nous aurons au moins la satisfaction, quand tout sera saccagé, de pouvoir dire à nos enfants : nous savions, nous n'avons pas fait l'autruche, nous avons tout tenté pour arrêter ce rouleau compresseur qui vous laisse paysages désolés, sols stériles, eaux et air pollués, plage détruites et paysans réduits à l'état de serfs...


Vos commentaires :
Jean-Charles Perazzi
Vendredi 15 novembre 2024
L'humour est une arme redoutable. Surtout quand il concerne une cause juste. Ceux qui s'en prennent à Jean Kergrist et à l'association locale (Glomel) de défense de la nature, seraient bien inspirés d'en être conscients.

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