La justice à la française : Le rideau tombe

Editorial publié le 31/05/11 21:13 dans Justice et injustices par Philippe Argouarch pour ABP
t:1
https://abp.bzh/thumbs/22/22244/22244_1.jpg
La cour suprême des Etats-Unis. Seule la constitution est au dessus.

Un système hérité de l'Inquisition

L'affaire DSK a eu le mérite de montrer la supériorité du système judiciaire américain dit accusatoire, qui, contrairement au système français dit inquisitoire, est totalement indépendant des autres branches du gouvernement, comme il se doit dans une véritable démocratie.

Puissants ou simples citoyens, tout le monde est soumis à la même loi. Il y a pas de remise de peine, pas de sursis, pas de prescription. Les peines sont cumulées car elles ne peuvent être exclusives. Pourquoi le seraient-elles ? La loi est la loi et elle est expéditive même si les négociations sont possibles une fois admise sa culpabilité.

Les procès ne durent pas comme en France une éternité, avec 10 ans d'instruction. Dans le système américain c'est à l'accusation de fournir les preuves et à la défense de les remettre en question. Les juges anglo-saxons sont là pour juger, pas pour enquêter et faire une inquisition (du latin inquisitio = recherche).

Avant l'Inquisition au XIIe siècle, les systèmes de justice européens étaient tous accusatoires, comme le sont restés ceux des pays anglo-saxons et d'une grande partie de l'Europe.  On peut dire que l'Inquisition a perverti le droit européen. Sous l'Inquisition, le pouvoir ecclésiastique, puis finalement les monarques, pouvaient poursuivre en justice une personne sans que personne ne les accuse de quoi que ce soit. C'est la première marche vers le pouvoir totalitaire où "totalité" signifie simplement le cumul des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire et, au XIIe siècle, le pouvoir religieux). Le totalitarisme c'est l'absence de séparation des pouvoirs. Certes, la révolution a exigé l'égalité devant la loi mais elle s'est tout de suite fourvoyée dans un système totalitaire dans lequel Robespierre (l'exécutif) commandait des têtes à Fouquier-Tinville (la justice). Napoléon a exigé que l'on rejuge le général Moreau car il n'était pas content de la première sentence trop lénifiante à son goût ! Ah ! Montesquieu où étais-tu ? Il est notoire que les constitutions de 1789, 1795 et 1789 prévoyaient toutes un pouvopir judiciaire indépendant et des juges élus mais que la terreur puis le directoire abandonnèrent les bons principes. On est revenu en France au système inquisitoire en 1799. C'est en fait la dictature du premier consul. Tous les juges sont nommés par ce premier consul.

Dans La France est-elle une démocratie ? de Charles Rouxel (2007), un livre épuisé, Rouxel distingue une "autorité" judiciaire comme en France, d'un "pouvoir" judiciaire comme dans les véritables démocraties. Il fait remarquer à juste titre que le président de la République (l'executif donc) est aussi le président du Conseil Supérieur de la magistrature et que le Garde des Sceaux, en est le président. Pour lui, le corps des magistrats, (du latin magister=celui qui commande) n' a aucune légitimité populaire puisque ces juges sont nommés au lieu dêtre élus et controlés par le peuple.

Idées fausses ou préconçues

Devant le désastre et l'effondrement du rideau de fumée qui, depuis 50 ans et des centaines d'émissions de télévision sur la barbarie de la peine de mort dans certains États américains (d'ailleurs votée très démocratiquement par référendums), les politiques français de droite ou de gauche sont montés au créneau durant les dernières semaines, accusant la justice américaine de tous les maux possibles.

On dit que nous, en France, on a le juge d'instruction ce qui assurerait une même défense pour tous en omettant de dire que le systeme permet que certaines affaires soient étouffées. Pour détourner le problème certains invoquent même des differences culturelles. Aux États-Unis, « c'est une culture puritaine » différente de "notre culture gauloise grivoise" disent-ils. Sans doute ces idiots utiles n'ont jamais vu une gay parade à New York ou à San Francisco, ni compris que les États-Unis sont les premiers occidentaux à avoir donné des droits aux femmes et aux homosexuels (droit de vote des femmes dès 1869 dans l'État du Wyoming, en France seulement en 1945).

L'important, et ce qui est rarement jamais dit dans les médias, est que dans la procédure accusatoire, l'accusateur n'a pas le pouvoir de décider seul de l' inculpation. Dans ce système, une personne ne peut pas être jugée tant qu'elle n'a pas formellement été accusée. (*). Il ne peut non plus y avoir de non-lieu arbitraire décidé par un juge ou le Parquet

Aux États-Unis, ce pouvoir de mettre en examen est généralement attribué à un jury composé de citoyens locaux. C'est ce « grand jury » de citoyens qui a décidé d'inculper DSK, pas un parquet aux ordres. Le parquet français est surtout bien pratique pour stopper des procès gênants pour le pouvoir. Il est commode quand les affaires touchent des responsables de la majorité au pouvoir avec un « non-lieu ». On remet le couvercle très facilement en France. L'état même, a le pouvoir de tuer dans l'œuf les « affaires ». Si la comptable de Mme Bettencourt avait bénéficié des mêmes protections que la femme de ménage du Sofitel, Dominique Woerth serait sans doute sur le chemin de la prison, au minimum vers un procès.

D'autres disent que seuls les riches aux USA peuvent se défendre en se payant de bons avocats, ce qui est totalement faux puisque les avocats qui prennent une part des indemnités sont toujours présents pour une bonne cause à défendre. Aux USA, il n'y a pas de plafonds aux dédommagements et aux réparations qu'un avocat peut demander. Afissatou Diallo, la femme de ménage du Sofitel de New York, si elle a vraiment été violée par Dominique Strauss Kahn, même pauvre, trouvera toujours un avocat, qui se fera payer sur l'immense réparation qu'elle demandera à DSK. De plus en plus cette justice américaine revient à ce qui se passait chez les anciens Celtes : le principe de réparation. Chez les Celtes d'avant la conquête romaine, un viol coûtait 20 vaches, un meurtre 100 vaches ou deux ans de services en tant qu'esclave. Ce n'était pas la justice que l'on payait, mais les victimes. Ce système a donné l'ancien droit coutumier du Moyen-Âge qui au début était accusatoire, pas inquisitoire.

En 2010, un jury de San Francisco a exigé de Philip Morris qu'il paye une indemnité de 2,5 millions de dollars à la famille d'une femme décédée pour avoir fumé pendant 27 ans. Le puissant fabricant de cigarettes perd régulièrement contre de pauvres citoyens, contre de simples citoyens. Ceci est juste un exemple parmi des milliers d'autres. Les trusts pharmaceutiques américains sont bien plus puissants que Servier et pourtant le médiator n'a jamais été mis en vente aux États-Unis. Un médicament contenant une molécule similaire avait déjà entraîné plusieurs milliers de procès contre le fabricant. Les citoyens avaient dit non. La judiciarisation de la société c'est aussi le pouvoir des citoyens. Ce sont les citoyens américains qui ont fait qu'aucune nouvelle centrale nucléaire n'a été construite depuis 45 ans aux États-Unis.

À noter l'arrogance bien française d'Alain Finkielkraut qui, dans l'émission Mots croisés du lundi 30 mai, s'en prenait à une justice américaine dont les juges sont élus. Les juges américains élus (comme les juges suisses d'ailleurs) seraient d'après lui trop sujets au désir de réélection et donc sensibles à l'opinion publique. Comme si les juges français ne seraient pas sensibles au pouvoir et à une bonne mutation : avant que le dossier d'Outreau ne devienne un scandale, le juge d'instruction Fabrice Burgaud n'avait-il pas été nommé au parquet de Paris, à la section antiterroriste (où il aurait été bien mieux payé), en récompense de son zèle tout particulier ? Si les juges étaient élus, le juge Burgaud n'aurait pas été élu. Bien mieux, il aurait jamais été élu car comme on le voit aux Etats-Unis, les élécteurs n'élisent pas de jeunes blanc-becs tout juste sortis d'une école de magistrature ou d'une -université. Les élus sont leplus souvent des procureurs ou des avocats expérimentés ayant une expérience et ayant fait leur preuves.

Dénonçant comme d'autres, la tendance vers la transparence des politiques comme une route vers le totalitarisme, Finkielkraut s'est vu asséné par Marcela Iacub, chercheur au CNRS : "Le totalitarisme ce n'est pas quand les citoyens s'immiscent dans la vie privée des gens au pouvoir  mais quand le pouvoir s'immisce dans la vie privée des citoyens".

Alors que les chantres de la République à la française mentent et s'enfoncent dans leur entêtement à défendre un système républicain obsolète dont ils tirent parti, le futur de la France apparaît de plus en plus comme devant être une démocratie à l'anglo-saxonne. Ce système vient avec le fédéralisme, la dévolution, l'indépendance de la justice, la démocratie directe et l'« empowerment » des citoyens (le pouvoir des citoyens) .

Philippe Argouarch


Vos commentaires :
Lundi 6 mai 2024

Dans le cadre de la plainte tardive, déposée par Tristane Banon, qui affirmait depuis plusieurs années avoir violentée en vue de viol par DSK, plainte déposée après que la justice américaine se soit penchée sur les mœurs libidinales de DSK , la mère de la plaignante française vient d’être entendue en tant que témoin par la police française, et a donc déposé officiellement.

Rappelons que la présumée violentée en vue de viol Tristane Banon est une journaliste ayant rédigé l'ouvrage «J'ai oublié de la tuer», relatif à sa mère, et qu’elle avait antérieurement décrit dans les détails même intimes son agression dans une émission télé « people », expliquant qu’elle avait longuement réfléchi et consulté son avocat à l’époque des faits allégués, que celui-ci lui avait montré une « pile de dossiers » contre DSK, qu’elle avait finalement préféré ne rien faire pour ne pas nuire à sa carrière, parlant à cette occasion également de l’alcoolisme et des besoins de séductions de sa mère Anne Mansouret,

et que de son côté Anne Mansouret est une élue socialiste, notamment Conseillère Générale, qui déclara dans divers médias et notamment depuis cette époque de faits sexuels présumés, qu’elle avait dissuadé sa fille de porter plainte, elle aussi pour préserver sa carrière, qu’elle avait constaté à quel point sa fille souffrait de cette agression, qu’elle avait « amicalement » conseillé à DSK « de se soigner », qu’elle en avait parlé à plusieurs de ses amis politiques (Fabius et Hollande), lesquels n’auraient pas réagi de façon constructive.

Or à présent que la plainte est déposée en France pour des motifs un peu comparables aux faits allégués qui auraient été commis par DSK aux USA, et surtout dans le contexte de la prise en charge américaine de tels faits, décrite je ne sais pourquoi en France comme « très violents » (je cite l’ex juge Eva Joly), alors que ce sont les faits allégués qui le seraient avant tout, Anne Mansouret, selon la presse française, déclare officiellement aux enquêteurs :

-qu'elle avait elle-même eu une «relation sexuelle consentie» avec le présumé violenteur DSK, que cette relation sexuelle était antérieure aux faits allégués par sa fille, et que celui-ci s'était comporté «comme un soudard». Surtout, elle témoigne officiellement qu'après avoir retrouvé sa fille très meurtrie par cette tentative présumée, elle avait demandé conseil à deux juges de sa connaissance, au sujet de la conduite républicaine à suivre. Ces deux juges, selon sa déposition, lui ont déclaré que sa fille Tristane Banon n'avait pas intérêt à porter plainte.

Il s'agit donc de deux témoins très importants, et d’une déposition critique, d’intérêt majeur ! Mais pourtant, l’appareil judiciaro-politique pseudo-républicain français se gardera bien de faire entendre ces deux magistrats pour vérifier les faits, car la collaboration entre les trois pouvoirs remplaçe de longue date l'indépendance de façade prévue par la Constitution : s’il est une leçon politique à tirer de toutes ces coucheries d’élites, c’est bien celle-là, bien au-delà des récupérations politiciennes droite-gauche et sainte-parlotte faisant habilement diversion, et qui nous sont déversées dans les médias depuis lors !

Le procureur Vance est théoriquement moins corruptible, selon les usages vicieux en cours ici, spécifiques à la dérive française. Il obéit probablement à une autre logique, certes imparfaite comme toutes choses en ce monde, mais dont les différences ne pourraient que nous enrichir, si nous ne passions notre temps à soutenir les consensus aussi mous que pervers dans lesquels nous nous laissons enliser, et à déverser avec cette prétention bien de chez nous des seaux de gauloiseries sur la tête des américains.

Même si les américains ne pensent probablement pas à nous délivrer du légazisme comme ils nous délivrèrent du nazisme (pour la seule raison qu'il n'y a plus ici suffisamment de résistants aux nouvelles dérives) , je forme donc des vœux pour que le procureur Vance confronte les témoignages de ces deux magistrats, lesquels, du moins si la parole officielle de l’élue Mansouret est crédible sur ce point, apporteraient au moins la preuve de la collaboration entre les pouvoirs, en France.

Comment ces deux juges, amis d’une élue, pouvaient-ils savoir à l'avance qu'un membre d'un parti progressiste et d'ailleurs féministe (comme les autres) nierait les faits qui lui seraient à juste titre reprochés en justice républicaine, d'autant plus que ce membre d'un parti français, par ailleurs avocat, était pressenti comme faisant partie de l'élite morale républicaine, au point d'accéder à la direction du FMI, et d'être presque présumé chef d'état?

Comment deux juges, hors de leurs missions républicaines, peuvent-ils se comporter dans les faits comme des avocats sélectionnant les affaires à accepter ou pas en fonction de critères qui leur sont personnels?

Il est évident que l’audition, aux USA du moins, de ces deux magistrats, serait à présent fondamentale pour mieux comprendre ces histoires de présumées turpitudes aussi glauques qu’immatures entre gens de pouvoir judiciaire et gens de pouvoir législatif faisant les messes basses et complotant sur des dérives mêlant comme toujours chez les gens dont la morale s’arrête là où ils n’ont plus de profit personnel, le sexe, le pouvoir et l’argent…

0

Écrire un commentaire :

Cette fonctionnalité est indisponible en ce moment, mais existe sur votre ordinateur.

Combien font 7 multiplié par 9 ?
Note : Ce lieu est un lieu de débat. Les attaques personnelles ne sont pas autorisées. Le trolling est interdit. Les lois contre le racisme, le sexisme, et la diffamation doivent être respectées. LES COMMENTAIRES ÉCRITS DANS UNE LANGUE AUTRE QUE CELLE DE L'ARTICLE NE SERONT PAS MIS EN LIGNE.