Le festival de la parole poétique a invité la compagnie du Solilesse. Mis en scène par Nell Reymond, mis en lumière par François-Éric Valentin, Guy Moign interprète le texte de [[Tanguy Malmanche]] (1875-1953), auteur de huit pièces en vers en breton telles que Gurvan ar marc'heg estranjour, Ar Baganiz, Buhez Salaun ar foll, ... Il a écrit en outre un roman, La Tour de Plomb et trois nouvelles : Le Monstre de Landouzan, Suzanne Le Prestre et Kou le Corbeau.
Seul sur scène, sa voix profonde remplit tout l'espace. En une heure et demie, il va représenter Kou, cet homme-corbeau qui n'a pas le droit de vivre avec ses frères étant «fils de putain», qui va voyager dans le Léon du Moyen Âge, entre Dieu et diable. Et va entrer dans Landerneau la pestiférée où il mettra sa capuche de corbeau pour évacuer, dans la charrette, les morts chaque jour.
Mais ce n'est ni terrifiant ni dramatique. Kou aime la vie, même quand il a des cauchemars, que le diable lui fait cracher une grenouille. Kou deviendra boucher et s'étouffera de trop de mangeaille.
On découvre dans ce spectacle un acteur et un auteur. Une voix, qui parle au coeur et à la raison, pleine de malice. Un corps capable de devenir un vieux berger fou, une bonne soeur à la tête ridée comme du buis, une jeune femme qui perd sa raison sous le joug du plaisir, un chirurgien qui explose de rire devant la naïveté de Kou...
On découvre aussi un Tanguy Malmanche qui est trop souvent rangé dans le département poussiéreux d'une littérature bretonne de terroir, un peu passéiste et de faible qualité. C'est tout le contraire. C'est un Rabelais dont les phrases comportent de nombreux «bretonnismes», et on ne s'ennuie jamais.
Ce spectacle n'avait pas été joué depuis huit ans. Puisse-t-il être vu cette année par d'autres, scolaires, étudiants, amoureux de la belle parole et du jeu, festivals de théâtre, festivals de culture bretonne, «Kou le Corbeau» est à programmer, absolument. Et Tanguy Malmanche à redécouvrir, d'urgence.
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