Seuls au monde : le cas breton

Dépêche publié le 15/09/10 16:24 dans Société par Ronan Le Flécher pour Ronan Le Flécher
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Carte extraite du rapport Solitudes en France - juillet 2010 - Fondation de France

Une étude montre que la population bretonne est très exposée au phénomène de la solitude.

La Fondation de France, organisme privé indépendant financé par des dons, a publié cet été une étude réalisée en janvier 2010 par TMO Régions. Sur la base d'enquêtes par téléphone (méthode des quotas) et d'entretiens qualitatifs, l'institut de sondages installé à Rennes s'est d'abord attaché à cerner l'isolement objectif, qui concerne les personnes déclarant avoir des relations personnelles de deux à trois fois par an ou jamais.

Il ressort des résultats que « la région Bretagne (ndlr : B4) apparaît comme le territoire où l'isolement est plus fort qu'ailleurs. » En effet, si 9 % des Français (4 millions de personnes, dont la moitié a moins de 60 ans) se trouvent aujourd'hui en situation d'isolement objectif, ce chiffre atteint 15 % en région administrative Bretagne.

« Tout se passe comme si les réseaux de socialisation ne parvenaient plus à entretenir des liens solides et durables », analyse Francis Charhon, directeur général de la Fondation de France. Entre grandes villes, villages ou campagnes, la situation n'est guère différente. Le clivage se fait davantage sur la pauvreté qui rime davantage avec isolement.

Le cas breton

Les réseaux traditionnellement pourvoyeurs de sociabilité - famille, travail, amis, monde associatif - s'affaiblissent, constate l'étude. En région Bretagne, une personne sur trois n'entretient pas de contact régulier avec sa famille et une personne en emploi sur quatre n'a pas de relations sociales dans le cadre de son travail. Chez nous, les personnes ne disposant d'aucun ou d'un seul réseau de sociabilité représentent 43 % des habitants, contre 32 % pour la moyenne française. Sur ce point-là, TMO Régions observe que « seule la Bretagne (ndlr : sans la Loire-Atlantique) semble véritablement se démarquer du reste de la métropole ».

S'il y a « un cas breton » (sic), l'étude n'apporte guère d'éléments d'explication autres que les accidents de la vie, divorce, déménagement, décès, licenciement, maladie, handicap qui conduisent souvent à la solitude. Un chiffre de l'étude étonne tout de même : les deux tiers de la population bretonne, contre 50 % pour les Français, n'ont pas de relations sociales avec leur voisinage, au-delà d'un bonjour/bonsoir.

Précarité relationnelle

TMO s'est également intéressé au ressenti de l'isolement, en posant la question suivante : « Vous arrive-t-il parfois de vous sentir seul ou isolé ? » 29 % des personnes interrogées en région Bretagne ont répondu positivement. C'est cinq points de plus que la moyenne des régions de l'Hexagone. La part de la population qui déclare se sentir abandonnée, exclue ou inutile est également la plus forte de l'ensemble du territoire (12 % contre 9 %).

Plusieurs témoignagesillustrent cette précarité relationnelle et cette fragilité, comme celui-ci : « Je n'aime pas aller avec les autres comme ça. En plus je ne conduis pas du tout, eh bien ce n'est pas facile. Je ne peux plus aller à Quimper. (…) De toute façon il vaut mieux être toute seule chez soi que toute seule parmi les autres. ».

Début août, sur une grande avenue du centre de Brest, un homme mort depuis deux semaines a été retrouvé dans sa voiture en stationnement. Personne ne s'est inquiété de sa disparition, ni dans son entourage ni dans sa commune d'origine à Lampaul-Plouarzel. Qui a dit : la solitude, ça n'existe pas ?


Vos commentaires :
Odile Fourniol
Dimanche 22 décembre 2024
Je ne suis pas forcément la bonne référence, cependant puis-je exprimer un sentiment.
Le «Breton» ne se reconnait pas dans cette société décrite par les médias français. Ils se sentent différents, non-reconnus et ceci engendre un mal-être profond, une dépression grave.
La Bretagne n'a pas de papiers, elle n'existe que si à chaque génération, des hommes se reconnaissent bretons.
Nous avons la Culture, le potentiel économique, mais nous ne sommes pas reconnus.
Manque un outil, l'outil politique breton sans auto-censure, dédouanant le droit d'être une Nation reconnue à l'échelle Européenne, tout comme cela existe dans d'autres états.

Didier GUINLE
Dimanche 22 décembre 2024

C'est un rapport bidon, à l'évidence, comme le «serpent de mer» qui ressort tout les ans avant l'hiver, affirmant que la Bretagne (intégrale) n'a pas les moyens de subvenir seul à l'alimentation de son réseau électrique. Affirmation qui semble t'il searit prétexte à construire une nouvelle centrale atomique chez nous. Ils ont essayé trois fois pourquoi pas une quatrieme fois?!
Pour ce qui est de l'isolement, et de l'affabilité, je ne connais pas beaucoup d'endroit en province ou on ne se dit pas «bonjour»! ou plutôt «salut»! autant qu'en bretagne. Que cache ce rapport? aprés la ligne TGV pour les «parigots»... une autoroute en ligne droite Brest Paris? Un aéroport international entre pontivy et Rennes? Mystère et boule de gomme!

P. Argouarch
Dimanche 22 décembre 2024
Ces statistiques ne font que confirmer que les Bretons sont différents. Qu'ils aiment souvent s'individualiser et se retrouver seuls, souvent face à la nature, est indéniable. Cela se retrouve dans la répartition de l'habitat chez nous avec une densité rurale hors normes dans laquelle les fermes d'autrefois et maintenant les résidences sont toujours à une distance respectable les unes des autres. Le climat pluvieux est certainement un autre facteur qui pousse à rester chez soi...ou alors à partir très loin.

On pourra citer aujourd'hui la prédominance de Bretons dans les courses à la voile en solitaire avec des héros comme Tabarly ou Michel Desjoyaux. Au dernier Vendée Globe la moitié des marins au départ était des Bretons.

L 'archétype du Breton solitaire, souvent seul contre tous, est bien sûr René de Chateaubriand qui, malgré ce qu'il en dit dans ses mémoires, a adoré son enfance solitaire à Combourg, a écrit plein de trucs (?) du genre « solitude chérie, je ne sais quoi de profond et de doux, vient s'emparer de mon âme ». Il a fini par se faire enterrer en solitaire sur un rocher en face de Saint-Malo.

Il est indéniable aussi qu'il y a un désir de solitude dans la tendance des Bretons vers l'exil et même le voyage. La plupart des écrivains bretons se sont exilés à Paris. Victor Hugo, dont la mère était bretonne, à Guernesey, Jules Verne à Amiens, Chateaubriand s'est exilé plusieurs fois. Plus près de nous Paol Keineg a passé sa vie aux États-Unis, etc. etc.

Et puis, ces 1000 Saints bretons dont on érige les statues aujourd'hui vont finalement être rassemblés sur une colline. Mais ils furent avant tout de grands solitaires. Des ermites qui vivaient chacun dans leur coin, dans des huttes au fin fond de la forêt armoricaine ou sur des îlots rocheux.

Intéressant, les astrologues du Moyen Âge, qui s'amusaient à coller des signes astrologiques sur les pays (afin de faire des prédictions aux princes du moment) avaient collé le signe capricorne sur la Bretagne. Comme on sait, ce signe a pour couleurs le noir et blanc et les capricornes sont réputés solitaires.

La conclusion est que nous sommes différents, nous sommes le fruit d'une tradition, d'une géographie, d'une histoire qui sont différentes du reste de la France.


François Martin
Dimanche 22 décembre 2024
Merci pour nous faire part de cette étude sur ABP.

M. Argouarch, je ne suis pas sûr que les 29% de Bretons qui ont affirmé se sentir seul ou isolé «aiment souvent s'individualiser et se retrouver seuls», parce que Bretons.
Sans vouloir parodier les Inconnus, il y a la bonne et la mauvaise solitude. Ici, il s'agit manifestement de la mauvaise.
Mais le rapport à l'identité, s'il existe (et il est probablement présent ici parmi bien d'autres choses), serait intéressant à découvrir - dommage qu'il n'ait pas été recherché.

Cette étude est cependant à rapprocher de celle publiée en septembre 2002 et présentant des chiffres sur les 4 ou 5 départements bretons (selon les cas). Menée par la Mutualité française Bretagne, cette étude avait abordé l'identité bretonne (et la perte de repères culturels) parmi les différentes causes amenant au suicide : Voir le site
cf. entre autres page 83 et conclusion même chapitre :

«Il paraît capital de prendre en compte le contexte culturel.»
«Plutôt qu’un programme national de prévention, ne faudrait-il pas ébaucher des programmes régionaux, voire départementaux de prévention ?»

Ce qui montre clairement les différences que vous mentionnez justement, M. Argouarch.


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