Devant une centaine de personnes assidues au cycle de conférences organisées par l'Institut Culturel de Bretagne lors du festival de Lorient 2010, Jean Ollivro ne mâche pas ses mots. Appelé par Padrig Malrieu à étudier l'identité bretonne au vu des statistiques depuis une trentaine d'années, il a insisté sur les trop nombreux paradoxes de la Bretagne.
Les Bretons se disent heureux (49% disent même que “vivre en Bretagne rend très heureux”), or la Bretagne est la première région d 'Europe pour le suicide, l'acoolisme, le tabac et l'usage des anxiolitiques. Serait-ce lié à l'identité ? A la perte d'une culture ? Les Aborigènes se suicident cinq fois plus que les Australiens, les Inuits, 11 fois plus que les Canadiens.
Les Bretons sont pour la réunification de la Loire Atlantique à la Bretagne, or ils ne sont qu'une poignée à militer à Bretagne réunie.
Les Bretons veulent sauver la langue bretonne (95% considèrent que la langue bretonne est importante, 71% qu'il faut “sauver le breton”). Or, seulement 2% des enfants sont dans une filière bilingue (Diwan, Dihun et Divyezh compris).
Les Bretons ont su s'organiser dans les années 1950 avec le CELIB. Ils ont “échappé au courant nationaliste, contrairement à la Catalogne qui avait une bourgeoisie qui a diffusé les idées nationalistes. La Bretagne est un peuple d'individus avec des identités plurielles”. Il est donc difficile de la dynamiser. Et pourtant ... C'est la première région de France pour le nombre de bénévoles, d'associations, de coopératives, pour l'édition, pour le don du sang...
Comment avancer alors ?
Par l'éducation, d'abord. Les jeunes Bretons sont des “orphelins de leur pays”. Jean Ollivro cite le cas d'une jeune étudiante qui ne connaît pas le sens de son nom de famille “Pemptroad” (cinq pieds). Nominoé est un navigateur, le combat des trente est une affaire de corsaires, 2/3 des Bretons ne savent pas qui est le président du conseil régional.
Et en plus, ils partent : 1200 jeunes en 2e et 3e cycle quittent la Bretagne chaque année...
Il manque des statistiques et un observatoire breton, la Bretagne est une région difficile à fédérer.
La Bretagne est semblable à ce macareux qui est sur une bière bretonne : il a disparu mais il fait vendre. Les macareux ont été massacrés par les Bretons eux-mêmes sur la Pointe de Pen Hir pour faire avec leurs becs des colliers à vendre pour les touristes. L'identité des Bretons serait-elle seulement sur l'étiquette ?
■malheureusement il ne se trompe pas.
Les Bretons sont conscients de la valeur de leur patrimoine idenditaire et culturel sauf comme il est dit : «les bretons sont orphelins de leur pays» car à la différence des autres peuples, ils ne peuvent apprendre officiellement leur histoire, leur langue et se voient critiqués s'ils évoquent leur réunification. Conscient d'être bretons, ils découvrent rapidement qu'ils ne connaissent pas la Bretagne dès qu'ils cherchent s'informer. Tout autour d'eux leur rappelle cette ignorance et c'est une situation psychologique difficile à vivre, alors mieux vaut parfois oublier même si cela s'avère impossible!
Si un breton passe ce cap psychologique et revendique son identité comme un individu d'un peuple, d'une nation et non comme habitant de l'ouest de la France, il passe soit pour un «plouc» soit pour un «anti-français» primaire qui souhaite briser le «rêve du pays des droits de l'homme, d'être un et indivisible». Il n'y a officiellement pas de place pour une identité bretonne affirmée en dehors de ces deux extrèmes. Dans ces conditions, pas facile de trouver un emploi ou de faire carrière ou simplement de vivre avec ces accusations.
Pour avancer, si on commençait par exiger de pouvoir disposer d'une ou plusieurs télévisions nationnales bretonnes (par forcément en breton) réalisées par des bretons et sans censure étatique comme tous nos voisins européens en dispose librement... Pourquoi eux on le droit d'avoir leurs télévisions et pourquoi nous bretons n'avons pas ce droit, quand parait-il nous vivons au 21è siècle en Europe, dans le «pays des droits de l'homme»!
L'Armorique appartient à la Gaule (première civilisation allant de l'Atlantique au Rhin) depuis le VIIe siècle avant J-C, bien avant la migration des Bretons au Ve siècle.
Cette migration n'a d'ailleurs pas touché toutes les villes d'Armorique, certaines restant profondément gallo-romane puis franque.
La Bretagne, unifiée seulement à partir du IXe siècle, n'aura le statut de royaume que pendant 1/2 siècle.
Dès le Xe siècle, elle rendra serment à son feudataire, le roi de Francie, ce qui induit de facto que le peuple breton est constitutif de la Nation franque par l'intermédiaire de sa vassalité au souverain des Francs.
Au XVIe, le duché est intégré au royaume de France.
Depuis, comme le rappelle le Conseil Constitutionnel, la Nation française est Une et Indivisible, et se compose de l'ensemble des peuples de France (bretons compris).
Sans rentrer plus dans les détails, ça me suffit pour me déclarer, breton (puisque je suis du pays rennais), touché par la sauvegarde des cultures bretonnes et gallèses en tant que Patrimoine de France, intéressé par la politique régionale (d'ailleurs plus une réalité administrative qu'autre chose).
Pourtant, dans cette identité, je ne partage pas l'appétence pour l'alcool que beaucoup de bretons aiment revendiquer imbécilement, ni l'importance des langues régionales que je ne vois que comme un folklore culturel riche et négligeable (pour moi) à la fois. Ni moi, ni aucun de mes amis ne nous sentons «orphelins de notre pays». Nous faisons corps avec la Nation française malgré nos racines (en partie, mais pas uniquement) bretonnes, parce que la Bretagne appartient culturellement, géographiquement et historiquement à l'ensemble socio-culturel formé par la France d'aujourd'hui ; ne vous en déplaise.
Compte tenu de cet ensemble de paramètres, au demeurant séculaires, la réalité la plus prégnante pour un breton est française, bien avant d'être bretonne... Vos constats n'ont donc rien de paradoxaux.
Chacun vit son identité bretonne comme bon lui semble après tout. J'apprécie les fruits de mer, le lambig, le jeu de palets, la matière de Bretagne en littérature (j'aime d'ailleurs tout autant la matière de France), la ferveur catholique encore assez présente et rare de nos jours... pour autant, je n'ai aucunement envie d'apprendre le gallo. Si j'avais le temps, j'apprendrais l'allemand qui m'attire autrement plus.
Alors bon, il faut arrêter dans le dogmatisme britonnant.
Monsieur, je trouve vous raccourcisser quelques peu l'histoire de la Bretagne dans une version très officielle française et loin d'être exacte.
Contrairement à ce que vous sembler dire, la Bretagne n'est pas une opposition à la France, la Bretagne et les Bretons sont uniquement une nation parmi beaucoup d'autres existant en Europe, à cela rien d'extraordinaire c'est en fait très banal. Mais à la différence des autres nations la Bretagne n'est pouvue d'aucun statut officiel propre depuis 2 siècles parce que quelqu'un a écrit quelque chose sur un morceau de papier.
Si les choses sont aussi simples que vous semblez le présenter, pouvez-vous :
Justifier votre qualificatif de «seulement à partir du» pour évoquer l'unification de la Bretagne? Nous indiquer par exemple et à titre comparatif à partir de quelle période la France est considérée comme unifiée? A partir de quelle période le mot «France» commence à être employé? Eventuellement et pour étayer avec un parallèle sur les autres pays européens, Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Pologne, Espagne, etc, etc?
Pouvez vous nous démontrer qu'il n'existe aucun pays européen actuel issu d'un statut de «Duché»?
Si comme vous le dite, la Bretagne est constitutif de la nation «Franque» (entre nous, un peuple germanique) depuis le Xème siècle, pouvez-vous nous expliquer pourquoi la Bretagne est considérée internationnalement comme un pays indépendant jusqu'au XIVème siécle (au besoin procurez vous la carte d'Europe de l'An 1500, facile à trouver) et pourquoi garde-elle un statut d'autonomie avec ses propres institutions, sa propre administration, son propre système fiscal, ses propres loies et son propre système juridique jusqu'à la fin du 18ème siècle?
Pouvez vous nous expliquer pourquoi depuis cette période, la politique française a vocation à faire disparaître tout élément identitaire ou culturel breton pour la grandeur de la France (volonté affirmée publiquement par nombre de personnalités politiques au cours du 20ème siècle, facile à retrouver)?
Si la Bretagne appartient à l'ensemble socio-culturel formé par la France d'aujourd'hui, pouvez-vous nous dire pourquoi l'histoire de la Bretagne n'est pas partie intégrante de l'histoire officielle de France enseignée aux écoliers bretons, mais aussi aux écoliers Français?
Par des exemples européens pouvez vous nous démontrer que les Bretons ont tord de ne pas se sentir 100% Français au titre qu'ils ont été privés de leurs institutions pendant 2 siècles?
Peut-être en utilisant l'exemple des Ecossais qui se sentent maintenant Anglais ou des Slovaques qui se sentent maintenant Hongrois, des Hongrois qui se sentent maintenant Autrichiens, des Danois qui se sentent maintenant Suédois idem pour les Norvégiens, des Polonais qui se sentent Russes idem pour les Estoniens, Lituaniens et Letons? S'il vous plait donnez nous un exemple pour que l'on comprenne votre point de vu!
Une fois encore, la Bretagne n'est pas une opposition à la France. Je suis d'ailleurs intimement convaincu qu'une majorité de Français seraient enchantés de connaître ce qu'est vraiment la Bretagne si cette possibilité leurs était donnée.