Le pays des (trop) nombreux paradoxes : la Bretagne

Dépêche publié le 16/08/10 22:26 dans Economie par Fanny Chauffin pour Fanny Chauffin
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Devant une centaine de personnes assidues au cycle de conférences organisées par l'Institut Culturel de Bretagne lors du festival de Lorient 2010, Jean Ollivro ne mâche pas ses mots. Appelé par Padrig Malrieu à étudier l'identité bretonne au vu des statistiques depuis une trentaine d'années, il a insisté sur les trop nombreux paradoxes de la Bretagne.

Les Bretons se disent heureux (49% disent même que “vivre en Bretagne rend très heureux”), or la Bretagne est la première région d 'Europe pour le suicide, l'acoolisme, le tabac et l'usage des anxiolitiques. Serait-ce lié à l'identité ? A la perte d'une culture ? Les Aborigènes se suicident cinq fois plus que les Australiens, les Inuits, 11 fois plus que les Canadiens.

Les Bretons sont pour la réunification de la Loire Atlantique à la Bretagne, or ils ne sont qu'une poignée à militer à Bretagne réunie.

Les Bretons veulent sauver la langue bretonne (95% considèrent que la langue bretonne est importante, 71% qu'il faut “sauver le breton”). Or, seulement 2% des enfants sont dans une filière bilingue (Diwan, Dihun et Divyezh compris).

Les Bretons ont su s'organiser dans les années 1950 avec le CELIB. Ils ont “échappé au courant nationaliste, contrairement à la Catalogne qui avait une bourgeoisie qui a diffusé les idées nationalistes. La Bretagne est un peuple d'individus avec des identités plurielles”. Il est donc difficile de la dynamiser. Et pourtant ... C'est la première région de France pour le nombre de bénévoles, d'associations, de coopératives, pour l'édition, pour le don du sang...

Comment avancer alors ?

Par l'éducation, d'abord. Les jeunes Bretons sont des “orphelins de leur pays”. Jean Ollivro cite le cas d'une jeune étudiante qui ne connaît pas le sens de son nom de famille “Pemptroad” (cinq pieds). Nominoé est un navigateur, le combat des trente est une affaire de corsaires, 2/3 des Bretons ne savent pas qui est le président du conseil régional.

Et en plus, ils partent : 1200 jeunes en 2e et 3e cycle quittent la Bretagne chaque année...

Il manque des statistiques et un observatoire breton, la Bretagne est une région difficile à fédérer.

La Bretagne est semblable à ce macareux qui est sur une bière bretonne : il a disparu mais il fait vendre. Les macareux ont été massacrés par les Bretons eux-mêmes sur la Pointe de Pen Hir pour faire avec leurs becs des colliers à vendre pour les touristes. L'identité des Bretons serait-elle seulement sur l'étiquette ?


Vos commentaires :
hervé Leray
Jeudi 14 novembre 2024
cette image est excellente.
«La Bretagne est semblable à ce macareux qui est sur une bière bretonne : il a disparu mais il fait vendre»

malheureusement il ne se trompe pas.


THEBAUD Loeiz
Jeudi 14 novembre 2024
Je suis tout à fait d'accord avec les propos de Jean Ollivro. Trop de paradoxes dans le comportement des bretons pour faire avancer la société bretonne dans ses spécificités face à l'uniformisation du monde qui nous entoure. Une autre chose qui m'agace : c'est le nombre de bretons dont la «revendication identitaire» se limite au gwenn-ha-du accroché au rétroviseur de la voiture ou à l'autocollant posé sur la lunette arrière du véhicule. A ce stade là, celà relève plutôt du folklore et notre identité est gravement menacée car elle ne survivra que par la sauvegarde de notre culture qui inclue à minima la langue bretonne, la musique bretonne traditionnelle et moderne, la danse (les festoù noz) et une évolution croissante de la consommation des produits et services de notre région (produire et consommer localement:économie, écologie, développement durable). tout celà passe par un comportement militant que beaucoup de personnes négligent, je pense, par manque d'analyse.

Yann Kristoc'h C
Jeudi 14 novembre 2024
Je ne suis pas sûr que les remarques de Monsieur Ollivro étaient une critique des Bretons.

Les Bretons sont conscients de la valeur de leur patrimoine idenditaire et culturel sauf comme il est dit : «les bretons sont orphelins de leur pays» car à la différence des autres peuples, ils ne peuvent apprendre officiellement leur histoire, leur langue et se voient critiqués s'ils évoquent leur réunification. Conscient d'être bretons, ils découvrent rapidement qu'ils ne connaissent pas la Bretagne dès qu'ils cherchent s'informer. Tout autour d'eux leur rappelle cette ignorance et c'est une situation psychologique difficile à vivre, alors mieux vaut parfois oublier même si cela s'avère impossible!

Si un breton passe ce cap psychologique et revendique son identité comme un individu d'un peuple, d'une nation et non comme habitant de l'ouest de la France, il passe soit pour un «plouc» soit pour un «anti-français» primaire qui souhaite briser le «rêve du pays des droits de l'homme, d'être un et indivisible». Il n'y a officiellement pas de place pour une identité bretonne affirmée en dehors de ces deux extrèmes. Dans ces conditions, pas facile de trouver un emploi ou de faire carrière ou simplement de vivre avec ces accusations.

Pour avancer, si on commençait par exiger de pouvoir disposer d'une ou plusieurs télévisions nationnales bretonnes (par forcément en breton) réalisées par des bretons et sans censure étatique comme tous nos voisins européens en dispose librement... Pourquoi eux on le droit d'avoir leurs télévisions et pourquoi nous bretons n'avons pas ce droit, quand parait-il nous vivons au 21è siècle en Europe, dans le «pays des droits de l'homme»!


Jean Cévaër
Jeudi 14 novembre 2024
Jean,
Qui ne partagerait ta lucide analyse de la situation bretonne.
Il est clair qu'après soixante ans de militanismle je suis parvenu aux mêmes conclusions, ainsi j'ai été plus souvent «attaqué» par d'uthentiques miltants que je ne l'ai été, ici même, par des «adversaires» reconnus de notre cause.
Vendredi dernier j'ai participé à La Baule à la commémoration de l'arrestation de Lluis Companys le 13 août 1940, cotoyer des patriotes catalans pendant une journée souligne,hélas !la différence avec nos chers compatriotes qui n'ont pas encore compris que face à un pouvoir au caractère hégémonique,idéologiquement, culturellement, linguistiquement,seule une union sans faille aurait permis à l'Emsav de faire face et, éventuellement de triompher, comme nos amis catalans.
Ce n'est pas la voie qui a été choisie, nos compatriotes ont préféré adopter les divisions idéologiques hexagonales et la Bretagne doit en payer le prix.
Cordialement.

Thomas-Antoine-Michel Glédel-Lafeuille
Jeudi 14 novembre 2024
En quoi ces sondages sont-ils si paradoxaux ?

L'Armorique appartient à la Gaule (première civilisation allant de l'Atlantique au Rhin) depuis le VIIe siècle avant J-C, bien avant la migration des Bretons au Ve siècle.
Cette migration n'a d'ailleurs pas touché toutes les villes d'Armorique, certaines restant profondément gallo-romane puis franque.

La Bretagne, unifiée seulement à partir du IXe siècle, n'aura le statut de royaume que pendant 1/2 siècle.
Dès le Xe siècle, elle rendra serment à son feudataire, le roi de Francie, ce qui induit de facto que le peuple breton est constitutif de la Nation franque par l'intermédiaire de sa vassalité au souverain des Francs.
Au XVIe, le duché est intégré au royaume de France.

Depuis, comme le rappelle le Conseil Constitutionnel, la Nation française est Une et Indivisible, et se compose de l'ensemble des peuples de France (bretons compris).

Sans rentrer plus dans les détails, ça me suffit pour me déclarer, breton (puisque je suis du pays rennais), touché par la sauvegarde des cultures bretonnes et gallèses en tant que Patrimoine de France, intéressé par la politique régionale (d'ailleurs plus une réalité administrative qu'autre chose).

Pourtant, dans cette identité, je ne partage pas l'appétence pour l'alcool que beaucoup de bretons aiment revendiquer imbécilement, ni l'importance des langues régionales que je ne vois que comme un folklore culturel riche et négligeable (pour moi) à la fois. Ni moi, ni aucun de mes amis ne nous sentons «orphelins de notre pays». Nous faisons corps avec la Nation française malgré nos racines (en partie, mais pas uniquement) bretonnes, parce que la Bretagne appartient culturellement, géographiquement et historiquement à l'ensemble socio-culturel formé par la France d'aujourd'hui ; ne vous en déplaise.

Compte tenu de cet ensemble de paramètres, au demeurant séculaires, la réalité la plus prégnante pour un breton est française, bien avant d'être bretonne... Vos constats n'ont donc rien de paradoxaux.
Chacun vit son identité bretonne comme bon lui semble après tout. J'apprécie les fruits de mer, le lambig, le jeu de palets, la matière de Bretagne en littérature (j'aime d'ailleurs tout autant la matière de France), la ferveur catholique encore assez présente et rare de nos jours... pour autant, je n'ai aucunement envie d'apprendre le gallo. Si j'avais le temps, j'apprendrais l'allemand qui m'attire autrement plus.

Alors bon, il faut arrêter dans le dogmatisme britonnant.


Yann Kristoc'h C
Jeudi 14 novembre 2024
@ Thomas-Antoine-Michel Glédel-Lafeuille :

Monsieur, je trouve vous raccourcisser quelques peu l'histoire de la Bretagne dans une version très officielle française et loin d'être exacte.

Contrairement à ce que vous sembler dire, la Bretagne n'est pas une opposition à la France, la Bretagne et les Bretons sont uniquement une nation parmi beaucoup d'autres existant en Europe, à cela rien d'extraordinaire c'est en fait très banal. Mais à la différence des autres nations la Bretagne n'est pouvue d'aucun statut officiel propre depuis 2 siècles parce que quelqu'un a écrit quelque chose sur un morceau de papier.

Si les choses sont aussi simples que vous semblez le présenter, pouvez-vous :

Justifier votre qualificatif de «seulement à partir du» pour évoquer l'unification de la Bretagne? Nous indiquer par exemple et à titre comparatif à partir de quelle période la France est considérée comme unifiée? A partir de quelle période le mot «France» commence à être employé? Eventuellement et pour étayer avec un parallèle sur les autres pays européens, Belgique, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Pologne, Espagne, etc, etc?

Pouvez vous nous démontrer qu'il n'existe aucun pays européen actuel issu d'un statut de «Duché»?

Si comme vous le dite, la Bretagne est constitutif de la nation «Franque» (entre nous, un peuple germanique) depuis le Xème siècle, pouvez-vous nous expliquer pourquoi la Bretagne est considérée internationnalement comme un pays indépendant jusqu'au XIVème siécle (au besoin procurez vous la carte d'Europe de l'An 1500, facile à trouver) et pourquoi garde-elle un statut d'autonomie avec ses propres institutions, sa propre administration, son propre système fiscal, ses propres loies et son propre système juridique jusqu'à la fin du 18ème siècle?

Pouvez vous nous expliquer pourquoi depuis cette période, la politique française a vocation à faire disparaître tout élément identitaire ou culturel breton pour la grandeur de la France (volonté affirmée publiquement par nombre de personnalités politiques au cours du 20ème siècle, facile à retrouver)?

Si la Bretagne appartient à l'ensemble socio-culturel formé par la France d'aujourd'hui, pouvez-vous nous dire pourquoi l'histoire de la Bretagne n'est pas partie intégrante de l'histoire officielle de France enseignée aux écoliers bretons, mais aussi aux écoliers Français?

Par des exemples européens pouvez vous nous démontrer que les Bretons ont tord de ne pas se sentir 100% Français au titre qu'ils ont été privés de leurs institutions pendant 2 siècles?
Peut-être en utilisant l'exemple des Ecossais qui se sentent maintenant Anglais ou des Slovaques qui se sentent maintenant Hongrois, des Hongrois qui se sentent maintenant Autrichiens, des Danois qui se sentent maintenant Suédois idem pour les Norvégiens, des Polonais qui se sentent Russes idem pour les Estoniens, Lituaniens et Letons? S'il vous plait donnez nous un exemple pour que l'on comprenne votre point de vu!


Une fois encore, la Bretagne n'est pas une opposition à la France. Je suis d'ailleurs intimement convaincu qu'une majorité de Français seraient enchantés de connaître ce qu'est vraiment la Bretagne si cette possibilité leurs était donnée.


Alain QUERE
Jeudi 14 novembre 2024
Monsieur Thomas-Antoine-Michel,
Quelques petites précisions : je ne reviendrai pas sur votre façon d'appréhender l'histoire de la Bretagne car cela nous amenerait dans des débats interminables. Sachez simplement que la «réunion» de la Bretagne à la France ne s'est pas faite comme un beau roman d'amour que l'on nous enseigne.
Un point important toutefois: sachez que la Bretagne se devait de conserver un statut d'autonomie au sein du royaume français, statut qui a été abrogé sans le consentement des états de Bretagne (cela inclut bien évidemment le pays gallo).
n'oubliez pas également que la Bretagne a toujours été duale, brittone (car de langue bretonne) et romane (cf. le gallo). la vaste majorité des bretons fiers de l'être vous le diront et en aucun opposent ces 2 entités. Elles sont complémentaires.
La seule chose (élémentaire de surcroit) que veulent les «bretons conscients» est de retrouver une autonomie de décision, que leurS langueS soient reconnues, etc..., autonomie qu'ils leur permettraient de retrouver confiance en eux et de faire ce qui est bon pour la Bretagne sans avoir TOUJOURS attendre les ordres d'une ville (Paris) qui en a rien à faire des désidératas de ses provinces.
Autre point : Si vous préférez vous définir uniquement comme français et mettre votre identité de breton en retrait (comme hélas beaucoup de Bretons actuellement), à votre guise mais sachez que cela n'est pas forcément partagé par tous le monde en Bretagne.
Un petit conseil : intéressez vous à la matière de Bretagne et approfondissez vos connaissances, vous y verrez qu'il y autre chose que les crêpes ou les galettes (fortes bonnes au demeurant.)mais des questions importantes que la France (en l'état actuel) ne veut surtout pas répondre. Pourquoi à votre avis ?
Enfin : sachez qu'avec la mondialisation, votre identité exclusive de français fait beaucoup rire à l'étranger et que si vous voulez faire partie des cultures qui comptent au niveau mondial, je vous conseillerai de vous mettre à l'anglais et non plus de faire partie d'un ensemble que moins de 1% de la population mondiale parle la langue.
Cordialement

Ana Donnard
Jeudi 14 novembre 2024

Les modèles et concepts pour les identités culturelles vieillissent dans tous les cantons du monde donc ce n'est pas qu'en Bretagne ! Les jeunes auront leur voix ne vous inquiétez pas ! Si les Bretons sont là depuis Dieu sait quand ils les seront encore au troisième millénaire on n'achève pas les mémoires comme vous les croyez ! Je suis désolée... si en tout cas je me fais publier dans ce site (ops!) je tiendrais à vous affirmer ma conviction que la seule chose qu'il faut en Bretagne c'est de finir avec la crainte de voir cette culture oubliée ou anéantie !
En attendant, je continue mes recherches et mon travail pour les cultures celtiques au Brésil, espérant un jour qu'en Bretagne on arrête avec les élites d'un supposé «savoir Breton» des élites intellô incapables de sortir de leur ornière mélancolique. La Bretagne est triste, tragique et gaie et le sera toujours au moins jusqu'à ce qu'une autre ère vienne changer son visage geographique ou comme il dit le poète sertanejo: «si un jour la mer deviendra sertão»

marc patay
Jeudi 14 novembre 2024
En fait, quand on a bien digéré l’histoire de la Bretagne, on se rend compte que ce pays n’a rien gagné à s’unir de force à la France. Certes son économie connut un apogée quelques années après car ses privilèges étaient encore protégés tandis que la France installait progressivement ses hommes et ses méthodes. Après le flamboyant début du 17 è, tout a commencé de se détraquer en Bretagne, surtout après l’avènement de ce « Grand » crétin, Louis 14 . Les relations commerciales bretonnes ont cessé avec les autres pays, son université nantaise n’a pu se développer, ses intérêts n’étaient plus défendus par un pouvoir local ; elle fut au centre de l’Europe et se retrouva excentrée politiquement plus que géographiquement. En réalité, la Bretagne était sans doute la région la plus riche de France au 16 è, car à cette époque elle frappait 35% de la monnaie d’argent de tout le pays. Les choses sont ensuite allées de mal en pis, et le peuple breton n’a plus fait que des matelots et des soldats tandis que sa culture et sa langue était trainée dans la boue. Si ce pays avait pu garder son indépendance, ce serait maintenant une Finlande, une Irlande, une petite Hollande et le mieux qui puisse lui arriver est de retrouver son autonomie, car si la France est une et indivisible, c’est Leur point de vue ! Parmi les bretons, il y a des gens conscients de cela, intelligents ou combattants dans l’âme, les deux parfois, et d’autres qui ne comprennent pas ce qui leur arrive et qui souffrent, suicide, alcool, acculturation, car dans le domaine de la culture importée, tout est gratuit et il y en a pour tout le monde, mais comme dirait Reiser, c’est de la merde, et ça, à force, ce n’est pas bon pour l’âme. Bien sûr on peut être pessimiste, mais d’un autre coté, la littérature bretonne n’a jamais été meilleure, depuis mille ans, la langue écrite est bien supérieure à ce que faisait le père Maunoir, dont le breton était innommable, et cette langue de paysans, désertée par les élites vers l’an mille, est toujours vivante et séduit ces « élites » à nouveau ! Il ne faut pas s’appesantir et compter, comme le fait Broudic, les anciens bretonnants, bien souvent complexés, qui se cachent pour parler, comme les oiseaux le font pour mourrir, des gueules cassées de la bataille culturelle avec le France, et qui ne valent pas la peine, vaut mieux les oublier, les laisser jouer aux dominos, et parler des nouveaux bretonnants, des chanteurs, des radios, des militants et de tout ce qui bouge aujourd’hui, en breton.
marc Patay Lejean


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