Bleus, blancs ou roses, les envahisseurs sont de retour en mer et sur les plages. Les Parisiens ? Non, les méduses.
On se souvient de la dernière scène du film « L'année des méduses » où la séduisante Valérie Kaprisky jettait Bernard Giraudeau dans l'eau infestée de méduses géantes. L'acteur vient de disparaître, mais les méduses, elles, sont là, et bien là.
Entraînées par les courants marins, ces mystérieuses créatures gluantes et translucides se plaisent bien chez nous. Dès avril, elles se sont échouées sur les plages de Saint-Nazaire et dans le Golfe du Morbihan. En mai, la Presqu'île de Crozon a été touchée à son tour. De mémoire de pêcheur breton, il n'y en a avait jamais eu autant et surtout aussi grosses. À la mi-juin, à Combrit, on en observait d'un diamètre proche de 60 cm et d'un poids de 5 kg.
La méduse du Poitou aime la Bretagne
«Elles sont très spectaculaires, mais pas particulièrement dangereuses, car elles ne possèdent pas de tentacules urticantes pour paralyser leur proie», rassure Sébastien Cadiou, le responsable du pavillon tempéré d'Océanopolis, guère étonné d'observer les rhizostomes (rhysostoma pulmo) sur la côte atlantique. Cette espèce naît au large de la Charente, ce qui lui vaut le nom de méduse du Poitou.
Rien à voir avec les redoutables pélagies (pelagia nocticula) déambulant depuis dix ans sur le littoral corse, et encore moins avec les méduses dites « à crinière de lion » présentes en bancs au printemps dans le sud des Cornouailles. Cette espèce peut dépasser les 2 mètres de diamètre et provoque boursouflures ou crampes musculaires, jusqu'à entraîner une suffocation ou une attaque cardiaque. Fin juillet, la physalie (physalie physalis) appelé « galère de guerre portugaise » en raison de sa forme de vaisseau, a été repérée au large des Landes. EQuand cette espèce arrive sur les côtes françaises – ce qui est rare -, il faut fermer les plagesE, avertit Sébastien Cadiou.
Disparition des prédateurs
Déjà que cet été, il fallait déjà se coltiner les algues vertes, et voilà que les méduses continuent de se déposer nos plages ! On se console comme on peut, la Bretagne n'est pas un cas isolé. Océanographe biologiste et grande spécialiste des méduses, Jacqueline Goy confirment que : «Dans toutes les mers du globe, on constate une augmentation du nombre.»
Les causes sont multiples. «La première, c'est la surpêche», estime-t-elle. «Les méduses, qui sont des animaux carnivores et voraces, se jettent sur la nourriture qui n'est plus mangées par les poissons.» Elle avance aussi l'acidification des océans, qui rend molles coquilles des mollusques et carapaces des crustacés dont les méduses se font un festin. La disparition de prédateurs de ces animaux composés à 97% d'eau et le réchauffement des eaux sont d'autres facteurs d'explication.
Qui s'y frotte, s'y pique !
«Les méduses que l'on rencontre en Europe, et surtout en Bretagne, ne sont pas dangereuses du tout»", nous dit à son tour Jacqueline Goy, auteur du livre « Les miroirs de méduse » (éd. Apogée). Ouf ! On respire. Il faut juste éviter de les toucher en dessous au niveau de leurs tentacules, car même mortes et exposées à la chaleur et à la lumière, leurs toxines restent actives.
En cas de piqûre, il suffit de laver à l'eau de mer sans frotter. Rien ne vaut cette recette de grand mère vieille comme le monde, ou presque. L'apparition des méduses sur la planète date de bien avant les dinosaures. Si d'aventure, vous faisiez une mauvaise rencontre avec les pélagies, imaginez ces sales bestioles mangées en brochette, à la chinoise, ou coupées en lamelles dans une salade, à la façon japonaise. Bon appétit !
■