Fiona Mac Leod dans la brise de juillet fait parler les pierres

Rapport publié le 30/07/10 12:34 dans Cultures par Fanny Chauffin pour Fanny Chauffin
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21h00, les voitures se pressent de se garer près du dolmen de Kergullic, 200 personnes s'installent dans le petit vent frais du soir, à cent mètres de la mer où le Fort Bloqué (Ploemeur) est entouré de rochers peu à peu recouverts par l'océan. Les deux femmes s'avancent sur la scène qui a été installée à deux pas des petits menhirs (un alignement de Carnac en réduction, ils font à peine un mètre de haut) et commencent.

La veillée va durer une heure et demie, et les contes vont se succéder, des contes courts, de sagesse (la pomme est blanche ? ben oui, puisque grand-mère dit qu'il faut regarder les choses de l'intérieur - c'est la troisième fois qu'il va enfin trouver la femme qui l'aime ? Ben oui, puisque c'est elle qui portera la pierre avec lui ...). Des contes contemporains portés par Elisabeth Troestler qui se moque des vieux contes poussiéreux et invente une pauvre princesse obligée de porter 50 robes pour affronter le dragon, punition infligée par la fée des contes car ses parents n'ont eu qu'un enfant, ce qui ne peut être accepté. Elle nous emmène aussi chez un poissonnier de Lorient dont le fils veut courir les mers, chez une petite fille qui s'invente un copain des sables ...

Contes traditionnels qui prennent en compte le vent, la nuit, les premières étoiles avec Fiona qui n'hésite pas à nous emmener avec elle en voyage, au pays des phoques qui se métamorphosent en dames grises pour sauver trois enfants de la noyade, au pays de la fille caillou qui va retrouver la seule personne qui l'a aimée ...

Frissons dans l'assemblée. Et ce n'est pas seulement à cause de la brise d'été. Fiona touche à l'essentiel, à ce pourquoi nous sommes sur la terre, à la fragilité de l'être que le conte soigne, que la parole aide à tenir debout.

Elle habite au Cap Sizun, retourne régulièrement en Ecosse où là-bas le conte a un véritable statut : on y rencontre des enfants conteurs, des gens du voyage musiciens et fabuleux diseurs de merveilles. A Edinburgh on a construit une maison des contes avec un jardin et une salle qui donne sur ce jardin pour que les arbres éclairés rappellent derrière le conteur, que nous sommes qu'une toute petite partie de ce monde vivant.

Elle forme inlassablement des passeurs, des enseignants, des soignants, elle initie aussi au conte bilingue français-anglais, elle a plein de projets dans les poches, et elle recherche avant tout ce quelle appelle “l'horizontalité” en opposition à la “verticalité” de mise aujourd'hui dans tous nos spectacles français et trop souvent bretons : on invite une star qu'on paie très cher et on ferme la bouche à tous ceux qui pourraient l'ouvrir ...

Elle voudrait que la Bretagne qui n'avait jamais cessé d'être une terre de partage, comme l'Ecosse ou l'Irlande le redevienne. Les conteurs devraient avoir plus de place dans notre société, et pourquoi ne pas rêver, nous aussi, à une maison des contes, à des enfants conteurs, à des rendez-vous où les conteurs amateurs se mélangeraient aux professionnels et vivraient de véritables veillées écossaises avec chant, musique, contes et poésie ? ...


Vos commentaires :
Jean-Pierre MATHIAS
Dimanche 22 décembre 2024
«rêver, nous aussi, [...] à des enfants conteurs, à des rendez-vous où les conteurs amateurs se mélangeraient aux professionnels et vivraient de véritables veillées [...] avec chant, musique, contes et poésie ?»
Mais tout ça existe déjà !
Pour ma part cela fait bientôt 4 ans que j'initie également des «enfants conteurs»... qui content ensuite en public, que ce soit dans «la 4ème séance» que j'ai avec eux, ou lors de balades contées par exemple !
De même ai-je participé la semaine dernière au festival du conte «passeurs d'histoires» dans le Golfe du Morbihan, autour de Baden : si les professionnels y sont les plus visibles, les conteurs amateurs ont également l'occasion de s'y exprimer !
Quant aux veillées mêlant chants, contes... je rappelle qu'elles se multiplient au sud de Rennes, à l'instar des premières «chez Léone» à Bovel, et maintenant aussi à Guichen (L'Accueil Breton), Le Sel, Bréal-sous-Montfort, etc...

Jean-Pierre MATHIAS
Dimanche 22 décembre 2024
et la liste s'enrichit, à l'instar de cette nouvelle initiative par exemple :
A Pipriac, à partir de la rentrée le 3ème vendredi de chaque mois au bar «Chez Paulette» (juste à côté de l'église) aura lieu une veillée : chansons, contes et musiques ... L'entrée est libre et gratuite, venez écouter et participer aux veillées de Haute-Bretagne animées par Albert et ses copains. (voir ici : Voir le site )
J'allais oublier les veillées à Romazy, Nord de Rennes, route du Mont-Saint-Michel
Il existe aussi des RDV comparables en Trégor, comme me l'a rappelé hier soir Daniel GIRAUDON, initiateur des veillées mensuelles tout en breton
Je suis loin de «faire le tour du sujet», mais il m'avait semblé avoir entendu dire qu'il se passait des choses de cette nature du côté de Douarnenez (Brigitte CLOAREC, Michel COLLEU...)

FIONA MACLEOD
Dimanche 22 décembre 2024
Merci pour cet article et pour ta commentaire, Jean-Pierre. Je voulais juste préciser qu'en Ecosse je parle d'une orientation de politique culturelle générale. Je sais bien qu'ici et là en Bretagne comme en France, des conteurs comme toi forment des enfants, et qu'il y a des regroupements réguliers dans des cafés, restaurants et bars, ou en «scène ouverte» mais c'est le fait d'une personne, ou d'une association de conteurs et pas d'une politique culturelle. Et souvent, hélas, ce sont de situations mal ou pas du tout payées.

En Ecosse, il y a toujours un hôte ou une hôtesse qui accueille le public, et un conteur invité (payé) qui ouvre la soirée et qui va être un facilitateur. Au fait, il y des règles qui permettent de vivre la soirée ensemble dans la simplicité et le respect de chacun. Du coup, si le divertissement a sa place, on n'oublie pas non plus une parole de coeur, ou une parole forte qui touche aux problèmes de la vie d'aujourd'hui.

Les enfants que j'ai vu en Ecosse content dans leur classe, dans leur école, dans leur famille ou devant un public de parents. Il n'y a pas (à ma connaissance) de joutes d'enfants conteurs pour trouver «le meilleur», comme j'ai vu en France.
C'est cela que j'appelle «l'horizontalité».

Ceci dit, bravo pour ton travail auprès des jeunes et continuons. Il n'y a pas assez de conteurs dans les classes! Alors, soutenons-nous autour de ces projets porteurs d'avenir.


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