Pourquoi les non-Japonais écrivent-ils des haikus ?
Alan Kervern est depuis longtemps le maître incontesté du haiku en Bretagne. Même si Fañch Peru, Rozenn Milin, Malo Bouessel du Bourg, ... et d'autres, en breton comme en français, pratiquent le haiku depuis fort longtemps, il est la référence, invité à de nombreux congrès dans le monde entier, du Japon (dont il parle couramment la langue) aux Balkans où le haiku connaît un engouement sans précédent.
Cet art de la concision est né il y a fort longtemps et a connu ses lettres de noblesse au XVIIe siècle avec Matsuo Munefusa, plus connu sous le nom de Bashô. Le poète est aussi calligraphe et peintre. Car le haiku est plus fait pour être lu et dessiné que dit ou chanté. Fils de samouraï, il renonce à être guerrier pour se consacrer à la poésie.
Pourquoi les non Japonais sont-ils si intéressés par le haiku ? La réponse est simple pour lui : la mode de l'écologie et de l'environnement est une des raisons de l'engouement des Européens. Une référence saisonnière est indispensable dans chaque haiku, les Japonais ont depuis fort longtemps des almanachs référençant des mots de saison (“mayday, grenouille, swimming-pool” étant des mots d'été, par exemple).
La deuxième raison tient à la brièveté du texte qui correspond bien à nos modes de communication contemporains (SMS, blogs, répondeurs, internet ...), le poète (et le publicitaire) pouvant faire passer des messages poétiques rapidement. Les pays du monde où le haiku se développe le plus sont le Brésil (très grande communauté de Japonais venus pendant la guerre), les Pays Bas, mais on trouve des haikistes partout dans le monde. Pour Alan, les plus beaux haikus sont ceux qui ont été composés dans l'urgence, pendant la guerre de 14/18, ou récemment dans les Balkans.
Les Japonais sont très attentifs à l'essor du haiku car ils ont l'impression qu'il s'essouffle un peu. Les détracteurs vont même jusqu'à parler de ceux qui les agacent “à longueur de petits poèmes, avec la pleine lune, les lucioles et les bambous, les libellules d'automne ou cette fameuse grenouille qui plonge dans une mare. Fascinés par le Japon, ils cultivent dans une bulle des poncifs, une forme à défaut de saisir un esprit, et d'ailleurs, où souffle-t-il maintenant, cet esprit ?”
Alan Kervern est passionné et il passionne son auditoire ce dimanche, dans la chapelle de Saint Jacques à Clohars Carnoët. Le haiku est un art rigoureux, et collectif. Le haikiste n'est pas un poète solitaire, le plus bel hommage pour un poète est d'être publié dans une anthologie. Chercher le mot juste, l'image qui va frapper, étonner, émouvoir, en partant de la nature, et de la vie contemporaine. Une poésie qui touche et qui vibre, à l'exemple de ce haiku moderne :
Banc du square
autour d'elle toute sa vie
en sacs plastique.
.
■