Un article lu dans le n° 248 de Ya ! m'a amené sur le site Riposte laïque : (voir le site) Même Mélenchon ne trouve pas grâce à leurs yeux, c'est tout dire. Je me suis en particulier intéressé à une série d'articles d'un certain Gérard Couvert, intitulé «Le biniou, le joueur de flûte et l'Empire». Hallucinant, le fantasme universalo-nationaliste. Auprès de lui, F. Morvan fait figure de dangereuse Mordrélienne. Mais lisez plutôt : (voir le site)
Je me permets de poster la réponse que j'ai adressée à Riposte laïque :
Frankreich über alles
J'ai lu avec consternation l'affligeant pensum en trois volets de votre collaborateur Gérard Couvert «Le biniou, le joueur de fifre et l'empire».
Outre le fait qu'il est bourré d'inexactitudes, ce texte transpire une vision anachronique, effrayante d'aveuglement et historiquement totalement erronée, d'une France mythifiée, barrésienne, dont la langue et la culture seraient indiscutablement porteuses d'«universalité/universalisme» généreux.
«La France dérange, la France authentique est vaste, généreuse, dans son aspiration à être comme l'instituteur du monde (eh ouais !), la grandeur de son État n'a jamais servi d'autres rêves que ceux universels du bien triomphant du mal, du savoir terrassant l'arbitraire, de la liberté guidant le Peuple…». On croit rêver… On croit ouvrir un manuel suranné d'«Histoire de France», un pamphlet patriotard de la fin du XIXe…
Socle du mythe, la laïcité française…«que vient renforcer l'universalité d'une culture singulière, et, nationale» (singulière signifiant ici unique, je présume). Nulle mention, bien entendu, du rôle de l'armée française et de l'impérialisme belliqueux du «peuple élu» dans ce processus.
Ce qui relègue bien entendu aux oubliettes «…des petits peuples étriqués, recroquevillés sur des mythes ethniques, souvent frelatés, sur une lecture inexacte de l'histoire…». Car «Comme les cultures toutes les langues ne sont pas d'égale importance, le nombre de locuteurs, l'histoire réelle qu'elle sous-tend, la richesse sémantique ou poétique, l'expression des nuances, et l'importance des liens qu'elle peut induire, des références qui la peuplent sont autant de marqueurs d'une universalité qui s'affirme ou qui se refuse à une langue.»
Tout est dit. Je pourrais continuer à l'envi. Je me contenterai de :
- rappeler à M. Couvert la formule attribuée à Lyautey : «Une langue, ce n'est jamais qu'un dialecte qui a une armée» ;
- lui signaler que Dante a longuement hésité entre l'occitan et l'italien avant d'écrire sa Divine comédie, l'occitan étant à l'époque la langue de culture dominante en cette partie de l'Europe ;
- l'inviter à découvrir l'oeuvre de Max Rouquette, écrivain occitan nominé pour le prix Nobel ;
- le prier de me nommer un romancier français contemporain de stature internationale ;
- inviter M. Couvert à se documenter - sérieusement - sur l'histoire de la colonisation française, qu'il glorifie dans un autre texte : «Si l'Algérie était demeurée française, la prospérité, la laïcité et le droit y auraient triomphé, pour tous, est-ce le cas ?»
- lire ce passage de «Raisons pratiques» de Pierre Bourdieu : «… la dimension nationaliste de la culture se masque, dans le cas de la France, sous des dehors universalistes… L'unification culturelle et linguistique s'accompagne de l'imposition de la langue et de la culture dominantes comme légitimes, et du rejet de toutes les autres dans l'indignité (patois). L'accès d'une langue ou d'une culture particulière à l'universalité a pour effet de renvoyer les autres à la particularité.»
- lui conseiller (ainsi qu'à Riposte laïque) de consulter dès à présent un bon avocat au vu des propos ouvertement cocardiers, impérialistes et carrément racistes qu'il tient sur votre site ;
- lui rappeler que la Gueuze est une bière belge et non un terme injurieux désignant la République.
Kenavo, Christian Le Bras, locuteur de «langue secondaire»
■Ce Monsieur Couvert s'enlise dans ses délires paranoïaques. Et lorsqu'on a pas de preuves tangibles sous la main ou de sources concrètes, on a souvent tendance à «bricoler» des éléments auxquels le néophyte croira comme des vérités éclatantes ...! Ce schéma se répète bien souvent hélas. Je ne vais pas reprendre l'article de Roger Couvert dans son ensemble, car il faudrait écrire 50 pages pour épingler les imbécilités de ce texte, et parapher mon propos des sources historiques réelles qui contredisent les propos de ce monsieur. Je m'arrêterai juste sur le passage amusant où l'auteur parle de la période de l'Antiquité tardive et du Haut Moyen âge en Bretagne. «une impression d'indépendance bretonne» au temps de «l'incroyable restriction du champ de la pensée et de l'action politique»...! Rappelons à ce monsieur que les peuples basés de l'Écosse actuelle, au Nord-ouest de la Gaule, en passant par une majeure partie de l'Angleterre et u Pays de Galles actuelle étaient appelés par les auteurs et chroniqueurs de l'époque sous le nom de «Britones» en latin. En 410 après JC, les romains abandonnent l'île de Bretagne laissant ces derniers se débrouiller face à leurs ennemis. Mais les bretons, qui se reconnaissent sous le nom de «Cumbrogi», maintiennent la romanité dans les territoires qu'ils contrôle, et ce, même après la chute de l'Empire romain d'Occident. Les bretons ne sont pas unis, puisqu'organisés en plusieurs royaumes brittoniques, mais se reconnaissent comme étant de même culture. C'est justement à la période médiévale que les Bretons installés sur le continent vont fonder des principautés locales, puis un Royaume et enfin un Duché indépendant de fait, jusqu'en 1532.
Je pense que nous sommes très loin d'une «impression d'indépendance» monsieur Couvert. Et de grâce, lisez et prenez connaissance de l'histoire à sa source, et non pas en lisant des livres écrits et orientés politiquement (d'un côté comme de l'autre).