Maspero ou le sourire du chat de Chris Marker

Il est venu,avec sa casquette de marin vissée sur la tête, gelé par la température glaciale de ce mardi de janvier. Réchauffé par l'inauguration du festival Taol Kurun à la médiathèque, le voilà à 20h30 devant une centaine de festivaliers que le froid n'a pas gardé à la maison.

Il présente sobrement les deux films tournés par Chris Marker sur sa maison d'édition d'abord («les mots ont un sens»), puis sur les grèves historiques de Besançon. L'homme est à la fois désabusé et combattif, précis, déterminé et ne croit pas à la nostalgie. Chris Marker et lui ont de nombreux points communs ; ils ont trahi leur classe sociale (la bourgeoisie), vont de «défaite en défaite jusqu'à la victoire finale» et n'ont pas un égo surdimensionné.

Ce qui passe avant, c'est la lutte, lutte pour une information de qualité, un respect des personnes, une culture populaire, ouvrière qui ne soit pas du folklore. Pour lui, les patrons d'aujourd'hui sont encore pire que ceux du XIXe siècle, ils exploitent sans scrupules, sont invisibles. La misère, l'appauvrissement de tant de pays du tiers monde qui les détruit plus sûrement que des guerres sont des fléaux qui n'étonnent plus personne. Sarkozy est le Père Noël auquel tant de Français ont cru ... L'identité nationale dont il est tant question le dégoûte : il parle et traduit le polonais, l'italien, l'espagnol («l'ombre du vent», «le vieillard qui lisait des romans d'amour»). Pour lui, la pire des tares de ce XXIe siècle, c'est le nationalisme, dans «l'abeille et la guêpe», il dit que le XXe siècle n'a été qu'une succession de purifications ethniques.

Et pourtant son sourire, dont parle Chris Marker dans son film, reste sincère et son oeil bleu critique.Le chat de Lewis Caroll n'est pas loin, animal fétiche de Chris Marker aussi qui lui a consacré un de ses derniers films (Chats perchés), qui se moque des hommes et de leurs illusions ...