Morceaux choisis de Mona Ozouf : 250 auditeurs à Quimperlé

Rapport publié le 28/11/09 13:40 dans Cultures par Fanny Chauffin pour Fanny Chauffin
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Morceaux choisis de Mona Ozouf : 250 auditeurs à Quimperlé

Elle est toute menue mais son exposé est d'une solidité remarquable : fine spécialiste de la Révolution française, universitaire reconnue, elle a capté son auditoire pendant près de deux heures à Quimperlé vendredi soir. Dans le débat qui a suivi,les cinq intervenants ont été gentiment poussés dans leurs retranchements,avec une grand douceur, par la dame de St Brieuc. Mais quel projet républicain défendait-elle ?

L'exposé commence par sa jeunesse : elle a une grande admiration pour son père et sa mère, qu'elle décrit avec beaucoup d'humour et de recul. Elle épingle Françoise Morvan qui a produit une vulgate “d'une extraordinaire bassesse”, concernant l' identité de gauche qu'affichait son père, Yann Sohier, qui aurait passé sous un pavillon menteur la “marchandise bretonne”.

Alors âgé de 33 ans, Yann Sohier est en 1933 absolument contre toute tendance extrêmiste (tous les textes d'Ar Falz le prouvent). Entre 1933 et 1935, date de sa mort “il a choisi son camp, et ses propos sont absolument sans équivoque”, commente sa fille, “et il dénonce sans arrêt dans ses textes l'antisémitisme”.

Louis Guilloux va aussi beaucoup l'influencer. C'est “une chance de son adolescence”. Elle va rencontrer le grand écrivain chez lui, car sa prof de troisième, Renée Guilloux est la femme de Louis Guilloux. Elle va alors se demander comment fonctionne le “bien écrire”. Louis se moque des lectures ”bretonnes” de la jeune Mona : Charles le Goffic, Anatole le Bras, phares de la jeune collégienne, qui selon Guilloux écrivent mal. Elle découvre «l'Etranger» d'Albert Camus. Elle vit alors dans “la religion de l'écrit”.

Elle se passionne ensuite pour l'école publique et la Révolution française, qui fondent le plus notre réalité actuelle. Elle définit ensuite les notions d'universel et de particularismes, venus de la Révolution française. Paradoxe d'une France une et indivisible : d'une part, les révolutionnaires avaient au nom de l'unité la volonté de raser les églises et voulaient gommer toutes les différences, et d'autre part, les différence entre les régions deviennent plus nettes, une fois passée la Révolution. Les régions se forgent une identité politique (les votes actuels sont pratiquement les mêmes que ceux de la carte du serment des prêtres de 1791).

Son exposé est clair : nous sommes aujourd'hui les héritiers de ce que la Révolution a mis en place. Croire à l'universel, c'est croire à l'égalité des hommes (pas de racisme, pas de différence homme/femme, tous les hommes sont égaux en droits).

Héritière de Descartes, la France a toujours préféré le simple au complexe, et a toujours ramené le complexe au simple. La France est une nation littéraire depuis Richelieu (fondation de l'Académie française). Elle cite Mallarmé : «en France tout existe pour aboutir à un livre». La singularité française forcément jacobine ? Faite de mille et un apports, en tous les cas ....La laïcité française est très difficile à expliquer à un public étranger à la France. C'est une situation unique en Europe.

Le débat de l'identité nationale n'est pas inintéressant pour elle, mais les dés sont pipés et la façon dont le débat est amené est très discutable. Il devrait faire l'objet d'une consultation de la base au lieu que tout vienne d'en haut.

Les média parisiens semblent continuer cette tradition centraliste de penser que tout ce qui est différent est nuisible à l'unité de la République et on peut lire sous leur plume : «l'asservissement bêlant des Français aux danses basques et aux pardons bretons», ou encore, de Christophe Barbier, à l'Express : «désormais on était ringard si on ne parlait pas un jargon incrusté, il fallait passer par l'idiome ou passer pour un idiot, et adopter un régime sans celte».

Regis Debray parle d'abandonner sur le seuil de l'école sa «parlure familiale». Aujourd'hui, ce genre de citations semble fleurir... Recherche d'un ciment pour la république dans la pseudo-unité de la France ?

Sur la question de l'islam, sa réponse laisse perplexe : «peut-on intégrer les Maghrébins? »

Sachant qu'ils sont citoyens français pour un grand nombre d'entre eux depuis deux générations, qui représente ce «on» ? La république ? L'universel français ? L'identité nationale exclurait-elle donc les non-catholiques et les non Européens ?


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