Mona Ozouf, décorée de l'Ordre de l'Hermine le samedi 21 novembre dernier à Guérande

Communiqué de presse publié le 24/11/09 2:46 dans Cultures par Mikaël Le Bihannic pour Mikaël Le Bihannic
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Le samedi 21 novembre dernier à Guérande, dans le cadre du Festival du livre en Bretagne, Mona Ozouf a été décorée du collier de l'Ordre de l'Hermine par l'Institut Culturel de Bretagne. Visiblement émue par cette distinction, Mona Ozouf a exprimé sa joie et sa fierté de porter «cette hermine».

Extrait de son dernier ouvrage Composition française, retour sur une enfance bretonne :

“En chacun de nous existe un être convaincu de la beauté et de la noblesse des valeurs universelles, séduit par l'intention d'égalité qui les anime et l'espérance d'un monde commun, mais aussi un être lié par son histoire, sa mémoire et sa tradition particulières. Il nous faut vivre, tant bien que mal, entre cette universalité idéale et ces particularités réelles. Or, sous la plume véhémente des pourfendeurs du communautarisme, tous les vocables qui désignent celles-ci sont devenus suspects : identité, appartenances, racines et même cet enracinement où Simone Weil voyait le «besoin le plus important de l'âme humaine» évoquent pour eux la petitesse, l'étroitesse, l'enferment, la servitude, voire la faute. À les en croire, le moi qui laisse enfermer dans ses fidélités et sa mémoire singulières et fasciner par ses origines est non seulement un moi fermé à l'universel mais qui doit renoncer aussi à l'authenticité, à la conquête de son «vrai» moi. Le corollaire de cette sentence est que la seule voie pour accéder à la liberté consiste à se dégager des appartenances. On ne peut devenir humain qu'en niant ce qui nous individualise et qu'au prix de l'arrachement à nos entours immédiats. C'est bien ce que l'école française tâchait de persuader les petits Basques, Bretons ou Catalans : le renoncement à leur identité originelle, frappée d'une invincible infériorité, devait être le prix à payer pour leur émancipation.

“Pareille conception, si on la pousse à son extrême logique, est vertigineuse, car elle tient que toutes les attaches sont des chaînes : la fidélité aux êtres qu'on aime, la pratique d'une langue, l'entretien d'une mémoire, le goût pour, les couleurs d'un paysage familier ou la forme d'une ville, autant de servitudes...

“Ce qui nous oblige à nous défaire de cette illusion, c'est la pluralité de nos attaches... De fait, dans une société de la vision, de la contradiction, de la mobilité, aucune appartenance n'est exclusive, aucune n'est suffisante à assurer un identité, aucune ne saurait prétendre exprimer le moi intime de la personne, si bien qu'on peut se sentir à la fois français, breton, chercheur, fils, parent, membre d'un parti, d'une église, d'un syndicat ou d'un club. Chacun doit composer son identité en empruntant à des fidélités différentes.

“Reconnaître la pluralité de ces identités, croisées, complexes, hétérogènes, variables, a plusieurs conséquences de grande importance. Pour commencer, la multiplicité s'inscrit en faux contre l'enferment et la sécession identitaires. Dans un paysage aussi mouvant, l'identité ne peut plus être ce qu'on nous décrit comme une assignation à résidence dans en communauté culturelle immuable, une prison sans levée d'écrou. Rien ne serait plus néfaste en effet, que devoir se considérer en toutes circonstances, et exclusivement, comme juif, breton, catholique, ou tout de qu'on voudra, mais une telle contracture ne corresponde en rien désormais à la réalité de nos vies.


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