Il n'y aurait pas de coupables possibles dans le seul scénario acceptable. On assiste à une mise en forme d'un plan de communication qui, étrangement, fait consensus. La chaîne des responsabilités qui va de l'éleveur-pollueur à l'Etat, en passant par la commune, le Conseil général et la Région, exige une solidarité silencieuse pour que, tout le monde étant responsable, personne ne le soit.
Ainsi la Bretagne va-t-elle faire face au péril de la laitue de mer comme on ferait face aux aliens. Tout est mis en œuvre pour rendre ce mal exogène, comme s'il était venu d'ailleurs. On entend bien ici une mise en accusation exclusive de l'Etat qui a pour but d'exonérer les auteurs de leurs propres responsabilités. Les Fédéralistes accordent peu d'importance au Préfet : plus il est silencieux et lointain, mieux ils se portent. Nous ne sommes pas en demande de Paris.
Il est vrai que les Préfets ont accordé des autorisations d'extension de porcheries, et il est vrai, aussi, que certains Conseils Généraux les ont subventionnées, affichant un profond mépris pour l'environnement et un possible développement touristique. Combien de plages bretonnes seront prochainement interdites à la baignade, au regard des nouvelles normes européennes ?
Selon un rapport de l'association de protection des océans Surfrider Foundation, en Bretagne, près de la moitié des zones de baignade des Côtes d'Armor (46,9%) et d'Ille-et-Vilaine (46,3%) seront déclassées
Après les faveurs célestes accordées à la Bretagne à Sainte-Anne d'Auray, un autre miracle s'était produit : la lumière de la foi se trouvait remplacée par les poisons de la rentabilité effrénée.
Mais le miracle breton n'en était pas un ; après la magie du commencement on a découvert les feedbacks et commencé à endurer les effets secondaires.
On nous dit qu'après les vives résistances venues du plus profond des intérêts corporatistes, l'heure serait à l'acceptation joyeuse du changement.
Mais un changement vers quoi ?
Vers la nouvelle domination : un je-ne-sais-quoi , mais durable.
Bourdieu écrivait : « Le discours dominant n'est que l'accompagnement d'une politique, prophétie qui contribue à sa propre réalisation parce que ceux qui la produisent ont intérêt à sa vérité et qu'ils ont les moyens de la rendre vraie ».
Voilà quarante ans qu'on fait l'apologie d'une agriculture « performante et respectueuse de son environnement ». On connaît la suite. Ce qu'on veut nous vendre au nom d'une durabilité illusoire et naïve n'est pas mieux.
Il s'agit bien de refuser de s'inscrire dans un manichéisme délétère et d'accepter enfin la singularité des circonstances et des environnements.
Toute la production n'a pas à être réalisée d'après les mêmes méthodes et processus. Il faudra bien laisser le cultivateur-cultivant, l'éleveur-élevant, choisir et décider librement dans le respect de normes de bon sens.
La prime à la durabilité est une ânerie de plus. C'est avec ce type de prélèvements qu'on ferme Chaffoteaux et Maury et qu'on aliène l'ayant-droit.
Pour que l'agriculture devienne responsable, il faut qu'elle reconquiert sa liberté, vis-à-vis de l'Etat, des monstres syndicaux et des puissances de l'argent.
Le 26 août 2009
Jean-Yves QUIGUER
Président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne
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