Yann Queffelec livre un message de révolte pour la justice : Adieu Bugaled Breizh

Chronique publié le 23/07/09 3:45 dans Cultures par Philippe Chain pour Philippe Chain
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Adieu Bugaled Breizh. Yann Queffelec, 2009.

Un ouvrage de révolte pour la justice. Un docu-fiction romanesque et spectaculaire par l'auteur du prix Goncourt 1985.

«Le 15 janvier 2004 à 13 h 25, le capitaine de pêche Yves Gloaguen a à peine eu le temps de lancer cet ultime appel : »Venez vite, on chavire«, que le Bugaled Breizh a coulé. En quelques secondes. Cinq hommes d'équipage. Aucun survivant. Mais des questions en pagaille. Des photos de l'épave prouvent que le chalutier a bien été éperonné. Tout porte à croire qu'un bâtiment de fort tonnage l'a violemment percuté. Ou un sous-marin. Qui a pris la fuite sans essayer de secourir les victimes, ni même donner l'alerte ? Pourquoi les exigences des familles sont-elles restées si longtemps sans réponse ni explication claire ? Pourquoi a-t-on mis si longtemps à sortir le bateau de l'eau ? Pourquoi les juges en charge du dossier sont-ils mutés les uns après les autres en cours d'instruction ?»

Comme tous les Bretons, Yann Queffélec porte au cœur la disparition mystérieuse des pêcheurs de ce chalutier et tente, en se glissant dans la peau des protagonistes de ce drame, d'en élucider les mystères. Il met sa plume de romancier au service de cette histoire sous forme d'un docu-fiction, dont les ingrédients sont la dernière nuit de pêche, l'opacité de la justice, la résistance des familles et des femmes en particulier.

La photo de couverture, particulièrement émouvante, est la dernière, prise du Bugaled Breizh. C'était quelques jours avant le drame alors qu'il partait en pleine mer. Philip Plisson, peintre de la Marine, en est l'auteur.

Yann Queffélec met sa fougue et son style au service de la recherche de la vérité, l'ouvrage transmet sa révolte, et son empathie envers les familles et proches des victimes. Mais c'est aussi, bien que l'auteur s'en défende, un réquisitoire où les faits et témoignages ont été analysés, recoupés pour conduire à une conclusion accablante. Comment ne pas douter encore de la responsabilité des sous-marins ?

Un extrait : « Malgré Bolloré, Pinault, Leclerc, Rollinger, Plisson, Martin-Chauffier, Astérix, Obélix, etc. Malgré le dynamisme universitaire armoricain, sans équivalent dans l'Hexagone ou dans l'Union, l'épithète breton garde l'accent breton, il prête à sourire ici et là.

Uncle Sam est chic, vieille canaille d'Amerloque suceur d'or, oncle Corentin non, pas chic du tout. Il a pour nièce Bécassine, la rondelette amie des idiots du village, les galoches dans la vase à gravette, le barangouin sur les dents.

Un chalutier breton meurt à l'ouest, c'est malheureux bien sûr, désastreux, ça n'est pas moins bretonnant, tellement à l'ouest.

La mer n'est jamais si lointaine et rétive qu'en Armor où la peau répugne aux caresses glacées du bain, du vent, sous des ciels de charpie ».


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