C'est les ouvriers qui ont dit merci au boss hier soir. Et c'est lui qui a fait péter les bouteilles de gaz et l'usine. Un concert de Bruce Springsteen n'est jamais moyen, jamais raté. Un concert de Bruce Springsteen, c'est le partage de bout en bout, c'est l'extrême-centre en action. 45.000 spectateurs étaient venus à la fête.
Mercredi après-midi vers 16 h 30, au beau milieu de la baie d'Audierne, un bimoteur (appareil photo resté dans la voiture, zut...) a survolé à pas plus de cinquante mètres de hauteur toute la baie, avant de contourner Penmarc'h et continuer sa course… Était-ce Bruce Springsteen en route pour Lorient ? En provenance de Glasgow, ce serait bien le moins pour cet Américain aux racines irlandaises, que d'avoir voulu humer jusqu'au bout les vents et côtes celtiques avant de jouer à Carhaix.
La météo avait prévu des orages, cela a été pire. C'est d'un retentissant « Demat Karaez ! Mont a ra mat ganeoc'h ? » que l'artiste a ouvert le concert tant attendu. Un son très propre, des lumières classiques, pas d'étalage technique, juste les bras de chemises remontés pour annoncer la couleur, la Telecaster à «corps plein» de Léo Fender en bandoulière. Deux heures et demie plus tard, les douze musiciens quittent la scène.
Le complément de celle-ci, en contrebas de la scène principale, aménagée pour l'occasion a transformé Keramphuilh, immense, en un club New-yorkais. En un terrain de foot anglais où les spectateurs sont séparés du capitaine par une seule petite balustrade. Le E-Street Band, séparé, reformé, à géométrie variable mais tous complices de longue date néanmoins, ont accompagné leur patron avec bienveillance, sympathie, amusement ; après tant d'années ils n'en reviennent toujours pas de l'énergie déployée par le phénomène. Tous les morceaux sont enchaînés, le concert est une machine à plaisir. Le rock vieillit bien. Même pour boire, Springsteen descend d'une main un grand gobelet et de l'autre continue à mouliner sur sa Telecaster. Pas moins de 8 guitares passent entre ses mains. Pas une seule fois vous le verrez tirer la gueule, il mène la danse du début à la fin, il ne lâche rien. C'est comme revoir un western de John Ford ou rouler dans une Chrysler de 1957, c'est «le vrai goût de l'Amérique» quoi... Celui d'un artiste qui ne renoncera jamais à son idéal de démocratie et de liberté. C'est pas un, deux, trois ou dix millions d'euros que valait la prestation d'hier, elle n'a pas de prix.
Voir aussi sur ABP-TV l'interview de Jean-Philippe Quignon (voir le site)
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