ABP interviewe Mona Bras de l'UDB

Interview publié le 25/04/09 16:26 dans Elections 2009 par Philippe Argouarch pour Philippe Argouarch
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Mona Bras

Mona Bras est née à Pabu (Guingamp) en 1956. Elle a fait des études de droit et de médecine chinoise. Très tôt elle s'est intéressée à l'action sociale et politique : déjà au collège puis au lycée, elle était déléguée de classe, participait activement aux mouvements de grèves ; sensibilisée aux questions sociales, environnementales et culturelles, elle défend les ouvriers de chez Doux en organisant une marche de soutien des lycéens de Guingamp à Pédernec, elle participe aux mouvements de résistances au remembrement dans les campagnes trégorroises, elle apprend le breton au lycée où elle commence à fréquenter les festoù-noz. Elle fera partie, avec d'autres familles, des membres fondateurs de l'école Diwan de Guingamp.

En 1976 elle rejoint l'UDB.

En 1995 elle exerce son premier mandat de conseillère municipale à Guingamp dans la majorité de Noël Le Graët. En 1998 elle se syndique à la CGT, fonde une section d'entreprise et défend au niveau départemental les droits des salariés du maintien à domicile, victimes dans leurs conditions de travail et leur niveau de rémunération, des restrictions de l’État dans ses politiques sociales et de son manque d'anticipation des conséquences du vieillissement de la population.

En 2001, elle lance sa propre liste d'opposition de gauche : UDB, écologistes, déçus du PC et du PS, citoyens de gauche et régionalistes font 15 % au premier tour et 10% au second. Elle exercera un second mandat de conseillère municipale, mais cette fois-ci dans l'opposition de gauche qu'elle incarnera.

En 2004, elle est élue au second tour sur la liste de gauche au conseil régional de Bretagne, après avoir mené une campagne dynamique sur une liste autonome «UDB-Verts-Gauche alternative» qui frisera les 10 % au premier tour et fusionnera avec le PS au second tour.

En 2006 elle est élue porte parole de l'UDB, première femme à occuper ce poste depuis la création du parti... Elle a été reconduite dans ses fonctions lors du Congrès de l'UDB de novembre 2008.

En 2008, aux municipales de Guingamp, elle est élue dès le premier tour sur une liste d'union de la gauche, elle occupe aujourd'hui les fonctions d'adjointe au maire, «Identité et patrimoines», avec un «S», précise-t-elle pour le patrimoine bâti, le patrimoine culturel immatériel, et le patrimoine naturel ou la biodiversité. Ce nouveau mandat commence par la signature de la charte «Ya d'ar brezhoneg» et le baptême d'une place Glenmor en hommage au poète militant.

En juillet 2008, le président du Conseil régional de Bretagne l'a désignée pour remplir les fonctions et missions de référente du Pays de Guingamp, le référent auquel elle succédait ayant démissionné. Enfin, elle est en 6e position sur la liste Europe-Écologie qui se présente aux élections européennes de juin prochain, liste d'alliance pour une Europe des régions sociale et écologiste, où elle représente la fédération «Régions et Peuples Solidaires».


ABP : L'UDB est un parti autonomiste, que cela veut-il dire?

Mona Bras : L'Union Démocratique se veut le parti d'une Bretagne autonome effectivement. L'autonomie est une des revendications majeures de notre parti. C'est la conséquence logique de l'article 1 de notre Charte qui porte sur la reconnaissance du peuple breton, aux plans français, européen et international. On ne peut, politiquement, reconnaître l'existence du peuple breton et lui refuser les moyens de son autonomie. Celle-ci, est en outre - les exemples étrangers le prouvent - le meilleur moyen de mettre en place le projet de société que nous développons et donc d'assurer un avenir meilleur aux Bretons, en renforçant les solidarités à l'intérieur même de la Bretagne. L'autonomie veut dire concrètement un pouvoir législatif pour la Bretagne. Autrement dit, la Bretagne doit disposer de compétences sur lesquelles elle pourrait légiférer. L'autonomie régionale, en Bretagne ou ailleurs, c'est aussi une façon d'améliorer le fonctionnement de la République Française qui reste sur des positions d'un autre âge. Aujourd'hui, en Europe, la France est un des seuls États à ne pas faire confiance à ses régions. Elle préfère se persuader que les régions sont égales ! Mais l' égalité entre les régions est aussi théorique que l'égalité entre les individus. J'ajoute pour ceux qui pensent que l'autonomie c'est le chacun pour soi, que l'autonomie régionale n'empêche pas la péréquation entre régions riches et régions pauvres. Regardez ce qui se passe en Allemagne par exemple. C'est le rôle même de l’État d'être le garant de la redistribution des richesses entre les individus et entre les territoires. Ce n'est pas précisément le cas en France, aujourd'hui…


ABP : Quelles institutions demandez vous pour la Bretagne ?

Mona Bras : Nos propositions sont contenues dans le « Projet de statut particulier pour la Bretagne » adopté en 1999. En introduction, Phil Williams, responsable du Plaid Cymru, y présente les pouvoirs de la nouvelle Assemblée nationale du Pays de Galles. Je me contenterai de citer les principaux chapitres ( le texte complet, bilingue, est disponible sur internet (voir le site) et en version papier) : définition de la notion de peuple breton et de citoyenneté bretonne, compétences de la Région autonome de Bretagne, compétences exclusives et compétences partagées avec l' Etat, pouvoirs du Parlement régional, notamment le pouvoir législatif dans les domaines relevant de sa compétence exclusive, finances. A ma connaissance, il n'existe pas de texte équivalent, aussi complet, aussi précis sur un projet politique clair, l'autonomie régionale, projet ne laissant aucune place à l'ambiguïté.


ABP : Au cours de l'AG de Quimper il y a deux ans vous avez fait ajouter dans vos statuts que l'UDB était un parti anti-capitaliste, cela veut-il dire que vous êtes proche du parti anti-capitaliste de Besancelot ? Si vous êtes contre le capitalisme, quel système proposez-vous ? Quel est votre modèle de société ?

Mona Bras : L'UDB combat un système qui repose sur la recherche du profit maximum dans le délai le plus court, car c'est un système de prédation tant pour les hommes que pour l'environnement. L'économie de marché, pour être utile à la société, demande à être régulée par la puissance publique. C'est l'effacement de la puissance publique à tous les niveaux depuis 30 ans qui a permis au capitalisme financier de vampiriser l'économie de marché productive. Une économie de marché correctement régulée peut coexister avec une économie publique (services fondamentaux comme la santé, la justice ou l'éducation par exemple) ainsi qu'avec un tiers secteur, à savoir l'économie sociale constituée des coopératives, du mutualisme et de l'activité associative. Il faut savoir que l'économie sociale, qui n'est pas publique mais qui ne recherche pas non plus le profit, représente 14 % des emplois en Bretagne, ce n'est pas rien et c'est le gage d'une société solidaire.


ABP : L'UDB, depuis 20 ans je crois, a adopté une alliance électorale avec le parti socialiste français, un parti aujourd'hui certes qui contrôle 21 des 23 régions en France mais qui est en pleine déconfiture idéologique et en proie a des rivalités et des luttes intestines, voire des scandales de corruptions... cette alliance ne risque-t-elle pas d'affecter l'UDB ?

Mona Bras : Je vous laisse la responsabilité de votre jugement sur le Parti socialiste et certains de ses membres. Ce par contre que je ne puis laisser passer c'est votre sous-entendu, la vieille rengaine de tous les adversaires de l'UDB, les partisans du Na ruz, na gwenn, dont on sait par expérience de quel côté ils se situent, rengaine selon laquelle l'UDB serait « à la botte du PS » ! L'UDB est un parti politique qui défend un projet de société qui n'est pas celui du Parti Socialiste. Sur différents points cependant, nos analyses peuvent se recouper et il nous semble important, au-delà des divergences, de faire. Notre philosophie, c'est de mettre les mains dans le cambouis, de participer à la gestion des collectivités, de proposer plutôt que de critiquer. Ceux qui véhiculent ce genre de propos pensent peut-être que l'autonomie de la Bretagne ou la promotion du breton vont se faire par l'opération du Saint Esprit ?


ABP : L'UDB est-il un parti de gauche avant d'être un parti pour l'autonomie de la Bretagne ?

Mona Bras : Gauche et autonomie, les deux termes ne sont pas séparables. En effet, pour l'UDB l'autonomie de la Bretagne n'est pas une fin en soi mais un outil nécessaire pour faire progresser la Bretagne à tout point de vue : économique, social, culturel, démocratique et dans la préservation de l'environnement. Par définition, un parti politique est porteur d'un projet de société, qui peut être conservateur, réactionnaire, progressiste ou révolutionnaire. L'UDB est un parti progressiste qui inscrit sa revendication d'autonomie de la Bretagne dans une démarche de progrès social et humain. Si le propos d'un groupe politique n'est qu'institutionnel, ce n'est pas un parti mais une ligue.


ABP : On reproche aussi à l'UDB d'être un allié électoral d'un parti qui comprend des Mélenchon, des Ayrault, des Batteux, des ennemis farouches de la réunification ou de la langue bretonne dans le cas de Mélenchon, quelle est votre réponse à ces accusations ?

Mona Bras : Qu'il y ait des jacobins à droite comme à gauche ce n'est vraiment pas une découverte. Je séparerais le problème de la réunification, revendication consubstantielle à l'existence du peuple breton, de celui de la défense de la langue. L'objectivité oblige à dire que Batteux et Ayrault n'ont pas entravé mais aidé le développement de l'enseignement du breton à Nantes et Saint-Nazaire. C'est là justement le danger et nous l'avons dénoncé depuis longtemps : «Voyez», nous dit-on, «il n'est pas besoin de réunification pour valoriser l'identité bretonne de la Loire-Atlantique». Cela étant, l'UDB n'a de leçon à recevoir de personne tant concernant la réunification que la défense du breton. Faut-il donner des noms depuis la création du CUAB ou de Diwan ?


ABP : Vous êtes sur la liste Europe-Écologie. Quels sont les points de vues de l'UDB que vous avez réussi à faire passer sur cette plateforme ? Comment se passe la campagne d'une façon générale ?

Mona Bras : L'UDB est dans la dynamique Europe-Écologie pour les élections européennes du 7 juin 2009. L'UDB représente la fédération R&PS, (Régions et Peuples Solidaires), sur la circonscription “grand-ouest”. R&PS est elle-même, avec tous les partis qu'elle représente, membre de l'ALE (Alliance Libre Européenne) qui forme avec les Verts le quatrième groupe politique au Parlement européen. Ce groupe Verts/ALE est co-présidé par Daniel Cohn-Bendit pour Les Verts et par Monika Frassoni pour l'ALE. Des démarches partagées depuis des années aux niveaux européens, hexagonaux, régionaux et locaux entre les Verts et les partis comme l'UDB qui sont de gauche, pour l'autonomie régionale et écologistes, nous ont menées naturellement à être dans la dynamique Europe-Écologie dès le départ. La campagne est très dynamique, nous l'avons commencée de bonne heure pour montrer tout l'intérêt que nous portons à ce scrutin, tout le respect que nous portons aux électeurs ou futurs électeurs et l'espoir que nous avons d'une Europe politique porteuse d'un vrai projet de société. Pour aussi rapprocher l'Europe qui semble si lointaine à beaucoup de citoyens, des territoires ; pour montrer comment les politiques européennes se traduisent localement ; pour montrer comment, certaines directives ou résolutions européennes sont mieux-disantes et vont beaucoup plus loin que le Droit français. Je pense bien sûr aux droits des minorités culturelles et linguistiques auxquels les Bretons, Basques, Catalans, Occitans, Corses, Alsaciens, etc. n'ont pas accès ; et qui valent à l’État français des condamnations morales régulières, au même titre que les conditions de détention des prisonniers. Je pense bien sûr à la directive cadre sur l'eau, l’État français n'ayant jamais respecté cette loi au détriment essentiel de la Bretagne qui subit pollutions diffuses, coûts de traitement de l'eau supportés à 80 % par les particuliers et pas par les responsables de ces pollutions ; la Bretagne qui subit les odeurs nauséabondes du lisier, les algues vertes, les cyano-bactéries,... Je pense aussi à la politique de la mer, inexistante au niveau de l’État français, qui nous prive du cabotage et d'une autoroute de la mer, de filières construction navale et aussi déconstruction, créatrices de milliers d'emplois, qui nous prive du potentiel des énergies marines et de ses milliers d'emplois potentiels dans des clusters intégrants recherche-innovation-construction-instalation-maintenance,... La dynamique Europe-Écologie est l'occasion pour l'UDB de faire entendre sa voix et d'affirmer ses choix et ce qui fait sa singularité dans la liste “Grand-ouest” avec Yannick Jadot : l'autonomie régionale et le cadre européen fécondent l'écologie. La re-territorialisation des activités humaines ne peut s'imaginer et se construire que sur les territoires pertinents que sont les Régions, et en ce qui nous concerne, la Bretagne réunifiée bien sûr. Il est consternant d'entendre des responsables de partis demander aux électeurs de transformer les élections européennes en vote sanction contre Sarkozy et son gouvernement : c'est montrer bien peu d'intérêt pour l'Europe, bien peu d'égard pour les citoyens et les électeurs, et s'enfermer dans des débats franco-français où le seul scrutin qui vaudrait serait celui des présidentielles. Pitoyable...


ABP : Europe-Écologie ça regroupe qui ?

Mona Bras : Europe-Écologie est une alliance entre :

- formations politiques (Verts et Régions et Peuples Solidaires-UDB pour la Bretagne) ;

- monde associatif, par exemple notre tête de liste Yannick jadot qui a quitté ses responsabilité de directeur de campagnes chez Greenpeace pour pouvoir être candidat ;

- et société civile, par exemple Eva Joly ancienne juge d'instruction dans le dossier Elf, qui a choisi Europe-Écologie pour apporter la preuve du lien entre enfer des marchés financiers et destruction de la planète, composantes diverses et complémentaires engagés dans la défense de l'environnement et dans la proposition d'un projet de société clairement de gauche, respectueux des hommes et de l'environnement, juste socialement, et soutenable tant dans la gestion des ressources aujourd'hui que dans le soucis des générations futures.


ABP : Il y aurait des nationalistes sur les listes Europe-Écologie ?

Mona Bras : Dans la liste Sud-est, notre ami François Alfonsi, porte-parole du Parti Nationaliste Corse et maire d'Osani en Corse, est en position éligible en seconde place. Nous souhaitons vivement son élection afin qu'il puisse travailler au Parlement à ce que la France rejoigne la norme européenne en matière de droits culturels et linguistiques des minorités ; et que diversité culturelle et biodiversité se conjuguent dans les politiques européennes du prochain mandat.


ABP : Quel est le programme de cette liste ?

Mona Bras : Le «contrat écologiste pour l'Europe», qui est disponible en français bien sûr mais également en breton, corse, occitan, basque, etc. propose dix bonnes raisons de vouloir une Europe des Régions où décliner par des stratégies régionales et locales, les schémas européens à venir.

Bouclier social européen : pour que l'Europe reste un territoire de paix, de cohésion sociale et de solidarité, il faut un réel partage des richesses, que la part des profits du capital injustement élevée depuis 20 ans dans le PIB, soit réaffectée à la part des salaires ; il faut un revenu minimum d'existence européen et un revenu maximum acceptable ; il faut renforcer les services publics de proximité et stopper le processus de libéralisation ; il faut que les régions dites périphériques ou excentrées bénéficient du principe de péréquation par des aides spécifiques ; il faut qu'en France, les aides aux entreprises soient régionalisées et destinées aux PME créatrices de plus de 80 % de l'emploi et non délocalisables. Il faut bien sûr que la France remplisse les mêmes devoirs que ses homologues européens en ce qui concerne les droits des minorités. Par ailleurs, nous sommes la seule liste à prendre en compte les risques sanitaires des nouvelles technologies de la téléphonie mobile, de la wifi et wimax : à ce jour, la France préfère suivre la résolution très laxiste de la Commission que de suivre l'avis du Parlement qui tient compte des risques sur la santé humaine. Il suffit de se souvenir des mensonges d'État au sujet du nuage de Tchernobyl, au sujet de l'amiante, au sujet du nucléaire. Pour l'UDB et pour Europe-Écologie, la santé publique vaut plus que les profits des opérateurs et des industriels.


ABP : Quel est la position de Europe-Écologie sur la PAC (Politique Agricole Commune) ?

Mona Bras : La redéfinition de la PAC en 2013 sera le gros dossier de cette mandature, la PAC étant le plus gros budget européen : en ce qui nous concerne, au Parlement nous défendrons le principe de la régionalisation et de la mutualisation des aides de la PAC, confiée aux Conseils régionaux. Nous défendons le principe de conditionnalité des aides basées sur l'application des directives (renforcement des polices pour les contrôles d'utilisation des intrants, tant en quantité, que sur les périodes autorisées,...) qu'il s'agisse de la directive cadre sur l'eau, de REACH sur les molécules chimiques,... Nous défendons le modèle de l'agriculture paysanne, il faut que la PAC devienne la Politique Alimentaire Commune pour défendre autant le développement équilibré des territoires ruraux, que la santé publique par une alimentation saine. Nous voulons en finir avec l'élevage intensif et hors-sol, la monoculture, la concentration foncière, la désertification, la destruction de l'environnement, la surproduction qui, exportée, détruit les économies agricoles vivrières du sud, en finir avec les pertes d'emplois (plus de 18.000 en dix ans) générées par le système agri-productiviste,....


ABP : Et pour la Bretagne ?

Mona Bras : Respect des droits fondamentaux. Que la «directive de la honte» rejoigne dans le musée du même nom, les pages peu glorieuses écrites par les États dans le passé en Europe. Je rappelle que cette directive «Retour», de son vrai nom, institutionnalise l'expulsion des étrangers en violation totale des droits fondamentaux et humains établis par la «Déclaration Universelle des droits de l'Homme». Bien sûr, elle a été traduite immédiatement en droit français et appliquée avec un zèle sans qualificatif. J'aime à inviter à lire la lettre que le président de la République de Bolivie, a adressée le 11 juin 2008 à l'Union européenne : «Jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale l'Europe était un continent d'émigrants : des dizaines de millions de personnes quittèrent l'Europe pour coloniser, pour échapper aux famines, aux crises financières, aux guerres et aux totalitarismes européens et à la persécution des minorités ethniques... Vous ne pouvez pas faillir aujourd'hui avec vos »politiques d'intégration« comme vous avez échoué avec votre supposée »mission civilisatrice« du temps des colonies.» Aujourd'hui, à Rennes et ailleurs, des CRA, centres de rétention administrative, font honte aux démocrates que nous sommes. Rappelons aussi de Ferroujda Aït Aoudia, algérienne, professeure de mathématiques et d'arabe, étudiante en breton à l'UCO de Guingamp pour pouvoir enseigner dans la filière Diwan, qui était «invitée à quitter le territoire français» au motif que ses «études n'étaient ni réelles ni sérieuses», alors que son père et ses trois frères avaient la nationalité française. Invitation à quitter le territoire, retour, honte : sommes-nous dans le pays des Droits de l'homme ? Cet exemple me permets de faire le lien entre l'universalité des Droits de l'homme et le respect des identités régionales, qu'elles soient culturelles ou linguistiques. C'est en Bretagne et nulle part ailleurs en France, que le seul député-maire noir, Kofi Yamgnane, a été élu et est toujours élu Conseiller général du Finistère. Le respect est universel, il ne fait pas partie du vocabulaire de la mondialisation au sens de marchandisation de la vie. Que le respect des diversités ethnique, culturel et linguistique, «Unis dans la diversité», soit traduit en directive opposable aux États récalcitrants comme la France, alors qu'aujourd'hui, conventions, chartes et autre résolutions supposent la participation volontaire des États pour leur mise en oeuvre.


ABP : La création d'un État écossais, d'un État catalan, d'un État basque semblent inévitables à long terme, êtes-vous pour la création d'un État breton dans le cadre européen ?

Mona Bras : Avant la seconde guerre mondiale, il y avait 75 États sur la planète, aujourd'hui il y en a plus de 200 ; à la multiplication des États ont répondu comme en écho, la multiplication des frontières et l'exclusion, la corruption, l'extrême pauvreté et les richesses indécentes, les émeutes de la faim, le hold-up des ressources du Sud par et pour les nantis du Nord, la perte des identités et de l'universel au profit de la mondialisation uniformisante. Pour nous la solution ne passe pas par la création d'un État de plus, fut-il breton, mais par une véritable gouvernance régionale et au niveau européen par un Comité des Régions aux pouvoirs accrus. Tout le monde sait bien que le principal frein à l'Europe, ce sont les États qui désignent les commissaires de la Commission européenne et forment le Conseil de l'Europe ; un contrepouvoir pour une plus juste représentativité des régions et une réelle prise en compte de la démocratie passe par un renforcement des pouvoirs du Parlement, seule instance élue au suffrage universel, et par le renforcement des pouvoirs du Comité des Régions.


ABP : La multiplication des États que vous citez, n'est-elle pas justement un rempart de protection pour les identités et les économies menacées ? n'est-elle pas justement un contre pouvoir contre la mondialisation des marchés et en particulier des marchés culturels ?

Mona Bras : L'alternative est bien le niveau régional, une Europe des régions, niveau à fortifier et à renforcer. Le réseau mondial des régions existe (NRG4SD) et a tenu son premier sommet mondial en Bretagne à Saint-Malo en 2008. Christian Guyonvarc'h, qui préside ce réseau mondial, participera à l'élaboration et à la signature du protocole de Copenhague appelé à prendre la suite de celui de Kyoto. La Bretagne en particulier et les régions en général peuvent se réjouir de voir les instances internationales reconnaître leur existence et leur capacité à répondre aux enjeux du XXIe siècle. Il faut souligner que l'ONU a choisi la Bretagne pour y installer son antenne Climsat destinée à introduire l'échelon régional dans la lutte contre le changement climatique ; la Bretagne choisie pour des raisons technologiques, économiques et stratégiques. J'invite les personnes que cela intéresse, à lire le n° 537 d'octobre 2008 du Peuple breton pour plus de détails. Les régions, territoires de proximité et de démocratie, territoires où se déclinent aujourd'hui le plus et le mieux les politiques de luttes contre les causes et les effets du changement climatique, les politiques de cohésion sociale, les politiques de valorisation des identités ouvertes au monde, les politiques d'accueil des migrants et de leur intégration. Les États et les frontières qui leur sont consubstantielles ne protègent ni les États ni leurs populations des nuages radioactifs, des dérives financières, des paradis fiscaux, des effets pervers de l'OMC et du FMI, de la “macdonalisation”, du pillage organisé des ressources du Sud par le Nord et les multinationales... La mondialisation a ceci de pervers c'est qu'elle détruit en même temps les identités et l'universel qui est au coeur de chaque singularité. Regardez autour de vous : les territoires qui résistent le mieux à la marchandisation de la culture sont les régions à forte identité, des régions à forte identité vivante qui n'hésitent pas, comme dans la musique bretonne, à se croiser, à se métisser avec des traditions musicales et culturelles lointaines des continents africains ou d'Amérique du Sud par exemple. L'universalité des échanges et de la reconnaissance des diversités, seul rempart contre l’asphyxie culturelle, contre la xénophobie et l'exclusion, et contre le rouleau compresseur de la mondialisation ? Unis dans la diversité


ABP : Merci d'avoir répondu à nos questions.

Philippe Argouarch


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