Le formidable esprit d'entreprise des Bretons souffle aussi dans le domaine du vêtement

Dépêche publié le 20/04/09 0:11 dans Economie par Bernard Le Nail pour Bernard Le Nail

Le dynamisme économique de la Bretagne que plus personne ne peut aujourd'hui contester, n'est pas visible seulement dans le domaine agricole ou dans celui des industries alimentaires comme la charcuterie, la biscuiterie, la conserverie ou les plats cuisinés. Il l'est aussi dans le domaine du vêtement, un secteur qui est pourtant en crise au niveau européen à la suite du transfert massif des activités de fabrication vers les pays à bas salaires : Afrique du Nord, île Maurice et surtout pays d'Asie : Inde, Chine, Vietnam...

Diverses régions de France et d'Europe dont la prospérité avait longtemps reposé sur les industries textiles ont été ou sont encore des régions sinistrées comme d'autres l'ont été par la fin des activités minières ou la concentration de la sidérurgie. On peut aussi se rappeler que la Bretagne qui avait été une des grandes régions de production textile d'Europe entre le XVe et le XVIIIe siècles, avait vu leur effondrement au XIXe siècle, particulièrement dans les Côtes-du-Nord, provoquant une effroyable misère et obligeant de nombreux Bretons à émigrer... La Bretagne a elle-même vu encore disparaître au cours de ces dernières décennies un certain nombre d'entreprises de confection comme les vêtements de travail Mont Saint-Michel Ariès à Rennes, les imperméables Cyclone à Saint-Brice-en-Coglès, UGECO-Bidermann à Legé et bien d'autres encore. D'autres ont dû considérablement réduire leurs activités et leurs effectifs. Certaines ont pu se maintenir et même se développer en transférant vers les pays à bas salaires une partie des fabrications dites de bas de gamme et en conservant les fabrications les plus 'nobles'.

Celles qui connaissent les plus belles réussites, sont surtout celles qui ont eu les politiques commerciales les plus dynamiques et qui ont été les plus créatives en termes de produits et de marques. On connaît la belleréussie des cirés Cotten, entreprise créée à partir de zéro par Guy Cotten à Concarneau en 1964 ou celui d'Armor Lux, ancienne Bonneterie d'Armor, créée à Quimper en 1938 et métamorphosée par Jean-Guy Le Floc'h à partir de 1993.

En revanche, on connaît moins le beau succès d'autres entreprises de création plus récente, reposant plus, il est vrai, sur la création et le négoce, que sur la fabrication proprement dite, qui ont à leur tête une nouvelle génération d'entrepreneurs bretons également très dynamiques, comme «Cache-Cache» et «Kanabeach».

Roland Beaumanoir porte un nom célèbre dans l'histoire de Bretagne, celui d'un vaillant chevalier, Jean de Beaumanoir, qui participa au fameux Combat des Trente le 27 mars 13451 entre Ploërmel et Josselin. C'est aussi le nom d'une famille d'architectes originaires du Léon qui construisit beaucoup de magnifiques édifices en Bretagne aux XVe et XVIe siècles. Roland Beaumanoir, né en 1950, s'est lancé, lui, en 1981, à Saint-Malo, dans la création et la commercialisation de vêtements sous la marque «Cache-Cache». Il a créé ou repris depuis d'autres marques, telles que «Vetimod», “Patrice Bréal” , “Scottage”, «Bonobo» et «Morgan». Son groupe emploie aujourd'hui plus de 800 salariés et exploite plus de 400 magasins, en franchise pour la plupart. Il développe aujourd'hui ses activités en dehors des frontières de l'Hexagone. Roland Beaumanoir dispose d'une logistique de distribution très puissante avec sa filiale C'Log, implantée à Pleudihen-sur-Rance et Saint-Malo. Elle dispose de 48 000 m2 d'espaces couvert, dont 18 000 m2 dans sa troisième unité, mise en service il y a seulement quelques semaiens. La firme se charge du conditionnement et des livraisons de l'ensemble de ses modèles en France et ailleurs dans le monde puisque Beaumanoir est notamment présent en Chine. C'Log traite 37 millions de pièces par an. Rien ne semble devoir arrêter le développement de cette belle entreprise malouine.

Kanabeach dont beaucoup de clients peuvent supposer qu'il s'agit d'une marque venue des États-Unis, est en réalité une affaire bien bretonne, elle aussi. Cette marque de prêt à porter qui a pour slogan «all different but all together», a été créée à partir de zéro, en décembre 1986, à Plougonvelin, par Frédéric Alégoët, né à Saint-Renan le 27 mars 1962 et alors étudiant en droit à l'UBO. À l'origine, il y avait une bande de copains brestois, fanas de surf et habitués de la plage du Trez Hir. L'histoire a commencé dans une cave de Plougonvelin ainsi que le raconte lui-même Frédéric Alégoët : « On s'est mis à dessiner sur des T-shirts des motifs avec des couleurs fluo originales. Comme ça plaisait, on a décidé d'en vivre. La première année, on les vendait cher mais le T-shirt est devenu vite très concurrentiel. C'était le début du business du surf, les marques australo-américaines arrivaient sur le marché avec des gammes déjà très étoffées ». Sa notoriété dépasse aujourd'hui largement les frontières de l'Hexagone. Kanabeach est connue de tous les amateurs de sports de glisse, à commencer par les surfeurs. Mais, en diversifiant ses gammes, la marque réputée pour son originalité et son anticonformisme a conquis aussi les non-pratiquants pour devenir une marque de prêt-à-porter à part entière. La société Kanabeach qui crée et commercialise des vêtements et accessoires pour les 14-25 ans (et plus), continue de chevaucher la vague du succès

Sous la pression de ses clients, Kanabeach a dû élargir son offre, elle a ouvert son premier bazar à Brest, lancé une ligne de vêtements pour les filles, tout en se façonnant un univers très coloré, une subtile combinaison d'humour, de délire et d'auto-dérision. « Instinctivement, on est parti sur un style différent des incontournables chemises Hawaï avec des palmiers », raconte Frédéric Alegoët. Bien lui en a pris ! 22 ans après, Kanabeach est toujours là. Sans prétendre faire jeu égal avec les grandes marques du secteur, la petite entreprise de la pointe de Bretagne continue de faire son chemin mais cherche à élargir son horizon. « L'export, c'est un peu moins de 10 % de notre chiffre d'affaires. Mais on fait tout pour faire plus. Notre marque n'a aucune raison d'exister. Pour survivre elle doit devenir européenne, voire mondiale ». Kanabeach a ouvert son premier magasin en Italie, à Milan et négocié avec des groupes asiatiques pour distribuer ses produits en Chine et dans d'autres pays d'Asie.

Aujourd'hui au rythme de deux collections par an, ses pulls, ses T-shirts, ses blousons et autres pantalons sont distribués dans plus de 700 magasins en France et en Europe, dont une vingtaine à son propre nom. Un beau parcours pour l'entreprise bretonne dont l'activité n'arrête pas de prendre de l'ampleur. Kanabeach qui emploie plus de 110 salariés, réalise un chiffre d'affaires de 25 millions d'euros. « Depuis le début, notre chiffre d'affaires progresse de 15 à 20 % par an.


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