Josu Ortuondo Larrea est député européen, membre d'EAJ-PNV (parti nationaliste basque), avec lequel le Parti Breton entretient des relations chaleureuses, et de l'Alliance des Libéraux et des Démocrates pour l'Europe (ALDE) au Parlement Européen. Il a gentiment accepté de répondre aux questions de l'un de nos militants.
1) Monsieur Ortuondo Larrea, pouvez-vous vous présenter : quel est votre parcours, comment êtes-vous devenu membre d'EAJ-PNV puis député européen ?
En 1976 j'ai rejoint EAJ-PNV et à partir de 1980 j'ai été membre du Conseil Exécutif Régional, membre du Conseil Exécutif National, et responsable de l'Administration et des Finances du parti.
Entre 1987 et 1991 j'ai été Directeur général de la Société Publique de Radio-télévision basque (EITB), après quoi j'ai été maire de Bilbao pendant les 8 années suivantes.
Pendant les 10 dernières années, c'est-à-dire entre 1999 et 2009, j'ai été député au Parlement Européen.
2) À votre avis, quel rôle peuvent avoir des partis comme EAJ-PNV ou le Parti Breton/Strollad Breizh au niveau de l'Union Européenne ?
Les prochaines élections européennes, qui auront lieu entre le 4 et le 7 juin, seront un moment fondamental de décision pour les citoyens de tous les États membres de l'Union Européenne. La législation européenne affecte de plus en plus notre quotidien. En effet, les directives, règlements et autres normes que nous votons au niveau de l'Union Européenne doivent être transposés dans l'ordre juridique des États membres et représentent plus de 80 % de la législation que produisent leurs parlements respectifs. Il est nécessaire que ce fait soit suffisamment connu et que les citoyens sachent que les lois tirent leur origine dans les institutions européennes, et qu'il faut être présent dans ces dernières pour influencer leur orientation et pour pouvoir défendre ses intérêts avec ceux des autres.
Des partis comme le Parti Breton/Strollad Breizh et EAJ-PNV ont un premier objectif fondamental en Europe: être témoins de l'existence de certains peuples, de nations historiques, qui, bien qu'elle n'aient pas encore d'État, ont une langue, une culture et une identité propres qui font partie de la diversité qui enrichit l'Union. Et un autre objectif, non moins important, qui est celui de défendre les intérêts de nos citoyens, nos institutions, entreprises, associations et société civile dans les décisions qui sont adoptées par l'Union Européenne.
3) Comment pouvez-vous contribuer, en tant que député européen, à l'émancipation du Pays Basque ?
Il est certain que le fait d'avoir des bonnes relations internationales, ainsi que des amis et une présence à l'extérieur, peuvent aider, et aident à consolider l'image d'un pays ; et beaucoup de ceci se fait depuis le Parlement Européen. Cependant, je crois que ceux qui pensent que l'émancipation de toute nation sans État, de tout peuple, peut se faire par la violence ou par l'intermédiaire d'un soutien extérieur se trompent.
Pour ma part, je suis convaincu que c'est l'attitude décidée des citoyens, la conviction et la fermeté dans la défense et la projection de sa propre identité, qui peuvent nous conduire à l'émancipation. Nous devons obtenir l'adhésion de la majorité des citoyens basques pour un ambitieux projet d'avenir en commun; si nous parvenons à ce que la grande partie des citoyens soient en faveur de l'émancipation, personne ne pourra l'arrêter.
4) Quelles relations avez-vous avec les députés européens de partis nationalistes d'Écosse, du Pays de Galles, de Flandre ou de Catalogne ?
Nous collaborons beaucoup avec le groupe de l'Alliance Libre Européenne (ALE) où se sont toujours trouvés un grand nombre de partis nationalistes d'autres régions d'Europe, comme le SNP écossais, le Plaid Cymru gallois, et aussi des partis de la péninsule ibérique comme le BNG (Bloc national galicien), Partido Andalucista, ERC (Esquerra Republicana de Catalunya, Gauche républicaine catalane), CHA (Chunta Aragonesista, Alliance Aragonaise), PSA (Parti Socialiste d'Andalousie), AA (Andecha Astur, parti nationaliste de gauche asturien), CNC (Congrès National des Canaries), ICLR (Initiative Citoyenne pour La Rioja) et EA (Eusko Alkartasuna, parti nationaliste basque de gauche), bien que ces derniers n'aient actuellement qu'un siège de député européen partagé entre eux.
Nous collaborons également avec le député européen de Convergencia Democrática de Catalunya, parti qui forme avec Unió Democrática de Catalunya “CiU”, qui, avec EAJ-PNV et le BNG forme partie de la coalition électorale GALEUSCAT (1) pour les élections européennes. Le député européen de CiU et moi-même, dans la législature actuelle, nous sommes situés dans le groupe parlementaire de l'Alliance des Démocrates et Libéraux pour l'Europe (ADLE-ALDE), qui est la troisième force politique et presque toujours “charnière” dans les décisions communautaires.
5) Pouvez-vous mentionner quelques-unes de vos prises de position au Parlement Européen ?
Les thèmes sur lesquels je travaille plus directement au quotidien sont le transport, la pêche et les affaires économiques. Pour nous, il est très important que s'établisse une politique de pêche commune équilibrée et adéquate, qui satisfasse nos pêcheurs sans négliger l'environnement et la soutenabilité des bancs de poissons.
D'un autre côté, comme notre pays est frontalier, le nombre important de camions qui traversent tous les jours Euskadi provoque de grands blocages dans les routes et une importante pollution atmosphérique. C'est pourquoi j'ai défendu un transport soutenable, et le soutien aux moyens de transport alternatifs pour décongestionner les routes et émettre moins de gaz à effet de serre, comme par exemple le transport ferroviaire ou le cabotage maritime, sans que cela entraîne une faillite du transport routier.
Également, j'ai travaillé sur beaucoup d'autres affaires, et j'ai adopté des positions engagées sur l'intérêt social comme quand nous avons défendu les enquêtes sur les accidents des bateaux Erika et Prestige, ou quand nous avons refusé plusieurs initiatives comme celle connue sous le nom de directive Bolkestein qui proposait une libéralisation sauvage des services, ou les 65 heures hebdomadaires de travail, ou les organismes génétiquement modifiés, et tant d'autres. En plus de la défense permanente des droits légitimes des peuples et des langues d'Europe.
6) À votre avis, comment pourrait être amélioré le fonctionnement de l'Union Européenne ?
Personnellement, j'aimerais que l'Union Européenne approfondisse sa construction et se convertisse en un vrai supra État de droit, en des États-Unis d'Europe pour que nous puissions être plus efficaces dans notre fonctionnement, pour avoir plus de poids international, pour mieux défendre les intérêts de nos citoyens et pouvoir leur offrir de meilleures opportunités, le progrès et le bien-être. Cependant, à mesure que nous avons agrandi le nombre d'États membres nous nous sommes paralysés peu à peu dans notre efficacité de prise de décisions et de temps de réponse aux défis quotidiens.
Il nous manque des règles et mécanismes appropriés pour un bon fonctionnement des institutions européennes car l'augmentation du nombre d'États membres n'a pas été accompagnée par l'introduction du principe de décision à la majorité et la nécessité de l'unanimité dans beaucoup de types d'accords se traduit par des vétos qui paralysent nos progrès.
Il est fondamental que l'Irlande et la République tchèque (actuelle présidente de l'Union) ratifient le Traité de Lisbonne, qui amènera un fonctionnement plus efficace et pratique de l'Union, ainsi qu'un rapprochement des institutions européennes des citoyens à travers la participation citoyenne.
7) Connaissez-vous la Bretagne ? Que diriez-vous sur la situation de la Bretagne ?
Oui, je connais la Bretagne en tant que touriste, et un peu du fait de mes travaux parlementaires. La région actuellement dénommée “Bretagne” voit son économie basée sur l'agriculture et les industries agroalimentaires, le tourisme estival et le littoral, et quelques centres industriels et technologiques avancés. Le Produit Intérieur Brut se situe entre 90 et 100 % de la moyenne européenne, et la Bretagne est également dans la moyenne européenne en ce qui concerne l'exposition aux différents risques d'ici à 2020 (formation, productivité, démographie, changement climatique et consommation d'énergie).
8) Comment voyez-vous l'Europe et le monde dans 20 ans ?
Pour ma part, je crois que dans 20 ans, le monde sera orienté autour de sept grandes zones économico-sociales: l'Accord de Libre-Échange nord-américain (États-Unis, Canada et Mexique plus l'Amérique Centrale), la Chine, l'Inde et le Proche-Orient, l'Organisation du Traité de Sécurité Collective (Russie et pays annexes), le Japon et le Sud-Est Asiatique, le Mercosur (Brésil-Amérique du Sud) et l'Europe-Méditerranée.
La révolution technologique des télécommunications et de l'informatique que nous vivons (la troisième plus grande révolution de l'humanité) nous a situés dans une nouvelle ère dont la principale conséquence socio-politique est la mondialisation, y compris la mobilité sans limites. Les grandes capitales financières, les multinationales ont plus de recours et de pouvoir économique que la majorité des États pris chacun isolément. Nous avons besoin d'additionner le pouvoir politique de différents États pour pouvoir atteindre une dimension suffisante par rapport aux autres grandes zones mondiales mentionnées, de façon à pouvoir délimiter les intérêts étrangers et protéger nos citoyens. Notre progrès et notre bien-être dépendent de notre manière de nous adapter à ce nouveau contexte extérieur. Nous avons également besoin de nous adapter au nouvel espace politique interne européen partagé avec d'autres, et cela suppose de démanteler les anciennes barrières protectionnistes caractéristiques des siècles passés, qui, si elles se maintenaient aujourd'hui, ne feraient rien d'autre que de nous conduire à l'appauvrissement. Ce processus de changement peut produire des tensions et des conflits dans certaines communautés dans la mesure où ils se sentent menacés dans leurs position corporativiste ou monopolistique. Certains eurosceptiques pensent que l'Europe est trop libérale et qu'elle ne se préoccupe pas des citoyens; la vérité, c'est que les citoyens sont l'objectif central des institutions européennes mais le travail que nous faisions et les biens que nous produisions sont aujourd'hui réalisés dans n'importe quelle autre latitude du monde à un prix plus compétitif et pour pouvoir maintenir notre niveau de vie nous devons évoluer, avancer, chercher et nous moderniser pour fabriquer des biens à plus forte valeur ajoutée qui supportent nos salaires plus élevés et nos meilleures journées de travail.
L'Union et la Communauté Européennes sont une entité politique inter-étatique qui est en cours de construction, ce qui suppose une tâche longue et ardue; et bien que les conflits d'intérêts entre les États surgissent quotidiennement, peu à peu nous parvenons à réaliser une Europe de tous et pour tous; c'est dans cet objectif que nous devons concentrer nos efforts.
Traduit du castillan par Alexandre Le Gall
(1) NdT: GALEUSCAT (Galicia-Euskadi-Catalunya) est une liste commune formée par des partis nationalistes galiciens, basques et catalans, pour pouvoir se présenter aux élections européennes dans la circonscription unique espagnole, et obtenir des sièges au Parlement Européen.
(voir le site) de Iparralde, le journal du Pays Basque nord, qui publie l'interview (commentaires possibles) et donne le lien vers Agence Bretagne Presse.
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