Ces 600 millions d'euros qui veulent tuer la presse en ligne

Communiqué de presse publié le 26/01/09 10:50 dans Politique par Jean Yves Quiguer pour Jean Yves Quiguer

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« Si je devais décider si nous devons avoir un gouvernement sans journaux ou des journaux sans gouvernement, je n'hésiterais pas à choisir cette dernière proposition ». C'est Thomas Jefferson, ambassadeur des États-Unis, qui est l'auteur de cette déclaration faite à Paris le 15 janvier 1787.

Nicolas Sarkozy, lui, a choisi un gouvernement qui finance les journaux.

Il vient de présenter un plan de soutien à la presse dont les mesures s'élèvent à 200 millions d'euros par an, pendant trois ans, soit 600 millions d'euros. Naturellement, la presse écrite est le principal bénéficiaire de cette manne de deniers publics.

L'incapacité d'un secteur à générer des profits n'appelle plus de restructuration : le contribuable est là, généreux et obligé. Quand une entreprise n'est pas tenue par ses ventes et qu'elle vit grâce aux aides étatiques, pourquoi devrait-elle se restructurer ?

L'État va doubler ses dépenses de communication et les réorienter vers la presse écrite. Et il va financer l'abonnement gratuit pendant un an pour les jeunes de 18 ans. Il s'agirait de créer « une accoutumance ». Propagande et manipulation de la jeunesse : ça nous rappelle quelque chose. Si les jeunes ne lisent pas les journaux, ce n'est pas en raison de prix de vente. Ils ne les lisent pas parce que c'est une offre qui ne les intéresse pas.

Tout est démagogie, et de Marianne à L'Humanité, de Libération au Figaro, on applaudit.


Certes, les aides publiques à la presse écrite ne sont pas nouvelles et pas davantage la mollesse devant le syndicat du livre.

Une des raisons paradoxales de la crise des ventes de la presse écrite n'est pas autre chose que les modalités de distribution de ces aides de l'État.

La presse se pense en institution, pas en entreprise. La répartition des subsides permet à des journaux à très faible lectorat de faire l'opinion et à ses membres d'appartenir à l'ordre des privilégiés de la République.

Les journalistes partagent le discrédit des élus. Ils n'inspirent plus confiance. La presse française n'est pas schizophrène : elle ne tape pas sur la main qui lui donne à manger. Nous avons une presse de 1940, qui n'est en rien un quatrième pouvoir mais plutôt un instrument de maintien de la pensée unique. Pour les éditeurs de services de presse en ligne – notamment les gros titres de la presse quotidienne nationale et régionale – la menace vient des nouveaux médias, comme ABP ou comme les sites des bloggeurs autonomes et autres sites d'expression libre, qui bouleversent radicalement la rente de situation du journalisme classique.

La presse quotidienne nationale et régionale a le même intérêt que l'État : limiter l'influence et la part de marché des nouveaux venus

Seront exclus de toute aide les sites de presse en ligne qui n'ont pas d'héritage papier et dont les rédacteurs n'appartiennent au cercle des titulaires d'une carte professionnelle, qui a pourtant perdu toute valeur et tout crédit.

Être journaliste professionnel n'a jamais été un gage de vertu, moins encore une preuve de vérité absolue. Si la presse américaine est parvenue à obtenir la démission de Nixon, la presse française concourt au maintien au pouvoir de l'UMP et du PS. Elle a plus à gagner dans le maintien d'un ordre qui lui est favorable que dans un bouleversement politique qui pourrait ruiner ses avantages et miner son apparente autorité.

On se souvient des journalistes belges interrompus par François Mitterrand quand ils posaient la question des écoutes illégales de l'Élysée. Ce grand moment de mensonge politique, ce grand moment de honte et d'indignité, on ne le doit pas à la presse française.

Quand Nicolas Sarkozy perd son sang froid, se lève et quitte brusquement une interview, ce n'est pas P. Poivre d'Arvor qui le questionne, mais Lesley Stahl de CBS.

Les journalistes portent la responsabilité de la défaillance de la presse. Ils nous renvoient aux personnages pathétiques de Balzac mais aussi à une forme plus moderne de bourgeoisie arriviste. C'est bien dans ces métiers de la «communication» qu'on trouve le plus de nymphettes qui ont cette capacité à pouvoir passer d'une émission de télé-réalité à un Master pour Lolitas.

Le journalisme n'existe plus en dehors de la communication. Tous s'y précipitent : le fait-diversieur, le grouillot, l'attachée de presse, le pigiste, le journaliste….

Les journalistes sont comme les hommes politiques avec lesquels ils déjeunent aux frais de la République : les deux prétendent exercer un magistère de vérité.

Aucun ne fait plus autorité. Les deux ont généré une perte de confiance et une sortie définitive d'une vision religieuse de la politique et de la transmission de l'information.

Le lectorat a fui la presse écrite bien avant la révolution numérique. Et c'était bien à ce moment-là qu'il fallait se poser des questions et s'interroger sur les défaillances de ce magistère.

Aujourd'hui, le consommateur est aussi un producteur de contenus (le « prosumer » évoqué par Alvin Toffler). C'est bien vers ce nouveau type de lecteur-producteur, vers cette autre manière d'être au monde comme dans le monde, vers cette horizontalité des rapports, qu'il convient de se tourner.

Le numérique ne signe pas la mort du papier, mais il va en relativiser le poids. Le produit numérique n'est pas une version numérisée. Les deux produits sont fondamentalement différents.

Les aides de Nicolas Sarkozy sont des perfusions pour des titres de presse condamnés à disparaître. Elles n'aident ni n'encouragent l'émergence de nouveaux titres, que ce soit en presse papier ou presse en ligne.

Il n'y a donc aucune raison pour que la crise ne perdure pas.

Le 22 janvier 2009

Jean-Yves Quiger, président du Mouvement Fédéraliste de Bretagne, membre de l'Union des Mouvements Fédéralistes (UMF)


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