La Poste, un grand bond en arrière
La Poste, dans le cadre de la réorganisation du tri du courrier, vient de mettre en avant une bien curieuse conception du service au public.
En effet, par la voix de Monsieur Yves Amiard, la Poste incite aujourd'hui ni plus ni moins les communes à éradiquer la toponymie bretonne pour la remplacer par des dénominations françaises.
Une des raisons invoquées serait la difficulté à traiter une graphie propre au breton, à savoir la lettre C'H.
En réalité, ne serait-ce pas la nature même de nos toponymes qui dérange ? Trop de ker, de bihan et de bras, de izelañ et de uhelañ. Place aux mésanges, aux tournesols et aux pâquerettes !
Alors que le déclin du nombre de locuteurs n'est pas enrayé, la population bretonne, relayée par ses élus, déploie de grands efforts pour assurer un avenir à la langue bretonne. Le Conseil régional de Bretagne a adopté à l'unanimité un plan de politique linguistique en ce sens en 2004.
Le patrimoine linguistique de langue bretonne, partie intégrante du patrimoine immatériel promut de nos jours, est une des richesses majeures de la Bretagne, l'héritage des générations qui nous ont précédé, le cœur de notre identité et une richesse pour l'avenir. Il est maintenant évident pour tous que l'héritage linguistique de la Bretagne est un des atouts de notre région dans un monde uniformisé et aseptisé. L'authenticité de notre « paysage linguistique » doit être jalousement préservée et non faire les frais du rouleau compresseur d'un prétendu progrès technique. Les lecteurs optiques ne sont que des machines et n'ont d'intelligence que celle que l'on veut bien y mettre.
Nous demandons instamment à la Direction du courrier pour l'Ouest de revenir à une position raisonnable et de prendre les mesures nécessaires pour le respect de la toponymie bretonne. Dans le cas contraire la prochaine étape sera-t-elle de nous obliger à franciser nos noms de famille afin de parfaire le nettoyage linguistique ? Les Guivarc'h, Guyomarc'h, Manac'h et autres Floc'h devront-ils tous renier leurs ancêtres et se plier à de soit-disant impératifs techniques que l'on veut nous présenter comme un progrès ?
La Poste, comme tous les autres services en Bretagne, doit comprendre que le temps du respect et de la pleine prise en compte de la langue bretonne et des brittophones est venu. Nous attendons un signe d'apaisement rapide de la Poste.
Lena Louarn, présidente de l'Office de la Langue Bretonne
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