Écotaxe Poids lourds en Bretagne. Lettre au Président de la République

Lettre ouverte publié le 24/11/08 23:55 dans Politique par Gérard Gautier pour Gérard Gautier

Monsieur Nicolas Sarkozy
Président de la République
Palais de l'Élysée
55 rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris

Monsieur le Président,

A la fin du mois de septembre 2007, je vous avais remercié de la réponse que vous aviez faite, par le truchement de votre directeur de cabinet Monsieur Cédric Goubet, à mon envoi concernant les propos qui vous avaient été prêtés dans le livre de Madame Yasmina Réza au sujet des Bretons. Cela se situait au moment où était mise en discussion la réforme de la Carte judiciaire. Je m'étais permis d'attirer votre attention sur un point qui était de nature à porter atteinte à la crédibilité même de vos propos et, par voie de conséquences à votre Autorité personnelle.

Il y avait, me semble-t-il, en effet une contradiction avec la déclaration qui m'était faite et dont j'avais pris acte : « Monsieur Nicolas Sarkozy a beaucoup de respect pour la Bretagne et les Bretons. Il l'a montré une nouvelle fois en se rendant aux obsèques de Monsieur Bernard Jobard dans le Finistère » et la volonté exprimée dans le dit projet de réforme « de détacher de la Cour d'Appel de Rennes les deux tribunaux de Grande Instance de Nantes et de Saint-Nazaire et de les placer sous la juridiction de la Cour d'Appel d'Angers. »

Comme tous les Bretons je me suis félicité des décisions qui, ensuite ont été prises. Le contraire n'aurait fait qu'ajouter à l'iniquité et aux discriminations que subit la Bretagne depuis le décret du gouvernement de Vichy du 30 juin 1941.

Or aujourd'hui, alors que les Bretons approuvent dans l'ensemble le Grenelle de l'environnement une menace, avec l'écotaxe poids lourds, peut-être plus importante encore quant à ses conséquences désastreuses, plane à nouveau, sur l'économie, les entreprises et l'emploi de la Bretagne. Sur son avenir même.

Ce qui donne le sentiment que nous sommes en présence d'une attaque frontale des intérêts de la Bretagne est le fait que les dispositions envisagées semblent être la reprise d'une volonté déjà exprimée en 1995, contre laquelle je m'étais élevé, lorsque la direction nationale des routes s'est déplacée à Saint-Brieuc pour présenter, en compagnie du Préfet de Région, le projet de «mise aux normes auto-routières de la R.N. 12 et de la RN 165.»

La manœuvre a été reconduite en 2003 lorsqu'il a été question de décider du péage sur les voies express. Or si Kofi Yamgnagne est chez lui par la Bretagne, les Bretons ne veulent pas de Cofiroute !

La carte jointe (ci-dessous en PDF) démontre en effet que le réseau des voies express en cause se situe, à quelques exceptions prés, exclusivement… en Bretagne qui ne veut pas être le jeu de spéculations que vous-même dénoncez !

Ce réseau est en effet né à l'initiative du CELIB (initiateurs également de la décentralisation en France), de la volonté des Bretons qui ont pris leur destin en mains et de l'engagement historique à Quimper, en 1969, du Général de Gaulle. Les contribuables bretons et leurs institutions ont largement contribué à sa réalisation.

Il est bon de rappeler que l'État, sans cesse en mal de ressources, a toujours eu beaucoup de mal à tenir ses engagements concernant le financement du Plan routier breton, d'où les retards mis dans la réalisation de la R.N.164 par exemple. Il s'est pourtant offert en 2000, le «luxe souverain» de détourner 12 MF de crédits destinés à la Bretagne et cela au bénéfice de la Région… Ile-de-France ! ( Le Télégramme 1er février 2001). Le transport par autoroute n'est pas, on le sait, concerné par la loi.

Ce qui fait que le transport routier breton sera proportionnellement plus largement touché que celui des autres régions : 12 000 kilomètres de routes sont concernés en France dont 2 000 en Bretagne ! Les simulations montrent que la Bretagne devrait contribuer à hauteur de 15 %, soit 150 millions d'euros alors que la Bretagne ne représente que 5 % du PIB national.

La Bretagne serait ainsi la première région contributrice. Cela alors que le transport routier réalisé en Bretagne en intra-régional représente environ 67 % du trafic total.

Le premier secteur économique touché de plein fouet sera celui de l'agro-alimentaire. Mais cela touchera en fait tous les secteurs d'activité avec une incidence immédiate sur l'emploi et le pouvoir d'achat des Bretons. Ce qui serait contradictoire avec vos propres engagements de campagne. Tous les éléments du dossier sont connus des conseillers techniques de votre cabinet qui ont reçu une délégation bretonne le 8 octobre dernier.

La Bretagne est, vous le savez, une « péninsule » éligible à une discrimination positive ! Il appartient à un État respectueux des citoyens, de tenir compte des spécificités de ses territoires. Or les parlementaires viennent, en première lecture, de dire NON à la spécificité bretonne ! Cela en rejetant, l'amendement présenté par le député Marc Le Fur avec le soutien de l'ensemble des députés bretons.

Il prévoyait que «les transports de marchandises à température dirigée ne fassent pas l'objet d'une taxation », du fait que «Le projet d'écotaxe issu du Grenelle visait à favoriser les arbitrages des chargeurs en faveur du transport ferroviaire. Le transport ferroviaire est inopérant pour le transport à température dirigée. Dès lors, ce dernier ne peut se faire que par route».

Cet amendement n'est que simple cohérence, que simple équité. En aucun cas une démarche née d'un quelconque corporatisme ou une volonté de maintien d'un privilège.

Les Bretons ne comprendraient pas que la non-prise en compte de leur juste demande amène à voir leur Région mise en état de désuétude. La Bretagne a beaucoup donné et toute atteinte qui lui sera portée sera préjudiciable, en terme de retombées négatives, à toute l'économie française.

Les Bretons veulent une Bretagne forte, dans une France forte dans une Europe forte !

Les Bretons sont légalistes et respectueux de la Démocratie, de la République. Ils ne comprendraient pas ce qui leur apparaîtrait comme un nouveau déni de Justice à leur égard. Ils seraient en droit de se considérer, à juste titre, humiliés.

Or il me souvient des propos tenus, en 2004, par le président Jacques Chirac lors de la Journée de l'Europe qu'il avait célébrée en compagnie du Premier ministre britannique : «Chaque fois que vous humiliez, d'une façon ou d'une autre, vous créez des réflexes d'agressivité.»

Or on sait où mènent parfois les réflexes d'agressivité contre l'injustice subie.

Pour toutes ces raisons, j'en appelle, de manière solennelle, de votre Haute Autorité, au nom du respect que vous dites porter aux Bretons et à la Bretagne, pour que vous mettiez tout en action à seule fin que « l'amendement LE FUR » reflet de la volonté de tous les Bretons, soit intégré dans la loi qui sera votée par les sénateurs le 28 novembre prochain et ensuite par l'Assemblée nationale.

En Bretagne aussi l'on sait dire « Yes we can ! », « «Ya gallout a reomp !» », « Oui nous le pouvons ! »

Ne soyez pas le Président dont on dira « Il a été le fossoyeur de la Bretagne ! »

Je vous assure, Monsieur le Président, de l'expression de ma haute considération.

Gérard GAUTIER
Ancien conseiller régional de Bretagne
Saint-Brieuc le 18 novembre 2008

NDLA - À noter qu'il était demandé au Président d'agir pour amender la loi. À la lumière des dernières évolutions il appartient aux Bretons de demander le simple respect de la parole du général de Gaulle. Donc de dire NON à l'Écotaxe Poids lourds en Bretagne.


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