Des oligarques russes en Bretagne

Dépêche publié le 4/11/08 4:17 dans Patrimoine par Bernard Le Nail pour ABP
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On sait que, sous le règne de Pierre le Grand, au début du XVIIIe siècle, une quinzaine de jeunes gens appartenant à des familles de la noblesse russe fut envoyée à Saint-Malo, puis à Brest, tandis que d'autres étaient envoyés en Angleterre et dans d'autres régions maritimes de l'ouest de l'Europe, afin de se familiariser avec le monde de la construction navale et de l'armement maritime dans la perspective de faire de l'Empire russe une puissance navale. D'autres Russes sont venus en Bretagne au cours des trois derniers siècles, dont, en 1782, le tsarévitch, futur tsar Paul Ier, qui se rendit à Nantes, à Lorient et à Brest, voyageant sous le nom de 'Comte du Nord', et dont aussi Wladimir Ilitch Oulianov (dit Lénine) qui vint en vacances à Loguivy-de-la-mer en 1902 et à Pornic en 1910. La Bretagne reçut aussi la visite de peintres et d'écrivains russes, puis, après la Révolution, celle de Russes blancs, dont le prince Yossoupof, l'assassin de Raspoutine, et la grande duchesse Victoria Melita qui passa à Saint-Briac ses vingt dernières années...

Ces toutes dernières années, on a vu apparaître en Bretagne de nouveaux visiteurs russes, que la presse occidentale désigne sous le nom collectif d'"oligarques". Il s'agit de cette nouvelle classe d'entrepreneurs qui a surgi sous le 'règne' de Boris Elsine, entre 1990 et 1999, quand le système soviétique s'est écroulé et que les entreprises publiques de l'ex-Union Soviétique (dissoute officiellement le 26 décembre 1991) ont été privatisées. Elle a été largement constituée d'anciens dirigeants de l'appareil communiste, dont beaucoup se sont retrouvés à la tête d'immenses fortunes, ainsi acquises de manière fort douteuse. Ces nouveaux riches, devenus ensemble beaucoup plus riches que l'État russe lui-même (la Fédération de Russie), se sont mis à acheter de superbes yachts, à acquérir quelques-unes plus belles villas de la Rivera italienne, et de la Côte d'Azur française, à acheter des clubs de foot-ball en Angleterre, des immeubles de bureaux à Londres, des grands hôtels à Paris, un palace à Porto-Vecchio (Corse) et aussi des entreprises, notamment dans l'industrie du luxe. C'est ainsi que la prestigieuse firme Hédiard, à Paris, est récemment passée sous le contrôle d'un oligarque russe.

Le phénomène semble n'avoir que peu touché encore la Bretagne, mais on signale tout de même depuis le début des années 2000 l'achat de quelques belles villas par des Russes à La Baule, à Pornichet et dans la presqu'île du Croisic. Les nouveaux milliardaires russes ne paraissent pas avoir encore investi des capitaux dans l'industrie bretonne. En revanche, certains s'intéressent au patrimoine historique et c'est ainsi que le château de Beaumanoir (XVe-XVIIe siècles) a été récemment acheté par les époux Kitsenko qui occupent une place importante dans le domaine de la joaillerie à Moscou.

Ce château est bien connu du grand public depuis que plusieurs films y ont été tournés. Ce fut le cas en 1979 avec le film "Tess" de Roman Polanski, inspiré du roman "Tess d'Uberville" de Thomas Hardy, puis en 1988 avec le film "Je suis le seigneur du château" de Régis Wargnier, film dans lequel jouaient, entre autres, Jean Rochefort et Dominique Blanc, et, plus récemment, en 2006, avec "Petits meurtres en famille", téléfilm en quatre épisodes, réalisé pour France 2 et inspiré du roman d'Agatha Christie "Le Noël d'Hercule Poirot".

Les précédents propriétaires, le comte et la comtesse Henri Méhérenc de Saint-Pierre, avaient consacré beaucoup d'argent à l'entretien de ce domaine de 23 hectares, l'avaient généreusement ouvert au public et y avaient organisé de nombreux concerts et expositions d'art contemporain, mais ils n'avaient plus les moyens financiers suffisants pour réparer les bâtiments, de plus en plus menacés par un ennemi redoutable, le mérule, un champignon qui se nourrit de cellulose de bois et qui s'attaque aux charpentes et aux boiseries en milieu humide. Les importants travaux désormais engagés sous la direction d'un régisseur russe, Valery Vassilev, devraient permettre de sauvegarder cet élément admirable du patrimoine breton.


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Jeudi 2 mai 2024

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