Les Bretons et l'Islande (1) Des glaciers et des volcans

Chronique publié le 19/08/08 7:58 dans Europe par Bernard Le Nail pour Bernard Le Nail

Les Bretons sont depuis toujours de grands voyageurs. Ils ont été nombreux à émigrer depuis plus cinq siècles, certains durablement, d'autres de manière saisonnière. Cela a été le cas, sans doute dès la fin du XVe siècle, des milliers de marins-pêcheus bretons qui sont partis chaque année pêcher la morue sur les bancs de Terre-Neuve, mais cela a été aussi le cas de milliers d'autres marins-pêcheurs bretons partis également pêcher la morue, mais en Islande, pendant une période plus limitée, puisqu'elle n'a duré que de 1852 à 1935. Plus de 2 000 d'entre eux y ont laissé leur vie. Dans cette série de dépêches, nous allons partir à la découverte de ce petit pays dont tant de Bretons ont fréquenté les côtes, il n'y a pas si longtemps.

Un Islandais a écrit un jour ceci à propos de son pays : «Rien que des marais, des rochers et des précipices; des précipices, des rochers et des marais; de la glace, de la neige, de la lave; de la lave, de la neige, de la glace; des rivières et des torrents, des torrents et des rivières».

On ne peut mieux souligner le caractère hostile de la nature en Islande : 10% de la superficie de l'Islande est couverte de glaciers, dont le plus important, le Vatnajökull a, à lui seul, une superficie plus grande que le total des glaciers d'Europe continentale et supérieure à celle d'un département comme le Finistère : 8 000 km2.

Mais ce qui caractérise surtout l'Islande, c'est le volcanisme. Il est très ancien puisque 50% de la superficie est constituée de plateaux de basaltes, dont les plus anciens ont 20 millions d'années. Plus de 99% des sols de l'Islande sont d'origine volcanique (ce qui signifie que les zones de nature sédimentaire sont vraiment marginales). Le volcanisme est toujours actif : plus de 200 volcans sont nés depuis 10 000 ans et trente d'entre eux ont connu des éruptions depuis l'arrivée des Vikings (874); près de 150 éruptions ont été observées et décrites dans les temps historiques et il se produit une éruption en moyenne tous les 3 à 5 ans.

Les plus récentes ont été celles de l'Hekla en 1970, 1980, 1981 et 1991, celles de l'Askja en 1961, de Cursey en 1963-1967, d'Heimaey en 1973, du Krafla de 1975 à 1984, de Grimsvötn en 1998 et du Bardarbunga en 1996. Les larves émises depuis 10 000 ans couvrent 35 000 km2 (plus que la superficie des cinq départements bretons). D'un bout à l'autre du pays, on aperçoit des montagnes ayant la forme caractéristique des volcans.

Toute l'histoire géologique de l'Islande s'explique par sa situation sur la dorsale médioatlantique, c'est à dire une double chaîne de montagnes située au fond de l'océan, à la limite de deux plaques continentales qui s'éloignent doucement l'une de l'autre. Longtemps rejetée par beaucoup de physiciens et de géologues, la théorie de la dérive des continents s'est définitivement imposée au plan mondial en 1966 devant une accumulation de preuves indiscutables, dont celles fournies par l'Islande elle-même. De nombreuses failles y sont clairement visibles dans les paysages de l'île dans le sens sud-ouest/nord-est, les deux moitiés du pays s'écartant l'une de l'autre de 2 cm par an. Ces failles s'inscrivent de manière spectaculaire dans le paysage, par exemple à Pingvellir, qui est par ailleurs un des hauts-lieux de l'histoire islandaise car c'est là que se réunissait dès le Haut Moyen Âge l'Althing, le plus vieux parlement du monde (fondé en 930).

Une des principales conséquences de ce volcanisme actif est la présence de nombreuses sources d'eau chaude, voire bouillante, comme l'attestent de nombreux noms de lieux comportent le mot Reykj (fumée, vapeur), dont celui de la capitale Reykjavik (la baie fumante). On a recensé plus de 700 sources thermales à travers le pays et , à partir de 1925, on a commencé à les exploiter de manière industrielle et aussi à réaliser des forages à 500, 1000, voire 2000 m de profondeur, pour aller chercher la chaleur quand elle n'était pas directement disponible en surface. Les Islandais ont acquis dans ce domaine une compétence reconnue mondialement. 89% des habitations et des autres immeubles (usines, bureaux) sont chauffés uniquement par géothermie et 8% à l'électricité, en partie produite grâce à la géothermie. Dans un pays où le climat impose le chauffage des maisons toute l'année, l'avantager économique est considérable. Pour chauffer une maison de 190 m2, on a ainsi calculé que là où il faudrait dépenser 3 875 euros par an avec un chauffage au mazout et 1 794 euros avec un chauffage électrique, le recours à la géothermie réduisait la note à 458 euros par an. Reykjavik et sans doute la seule capitale du monde à ne comporter aucune cheminée. Outre divers forages géothermiques réalisés dans l'agglomération, plus de la moitié de ses 200 000 habitants sont aujourd'hui alimentés par le Service de chauffage de Reykjavik au moyen d'une conduite de 20 km qui vient de Reykyr et qui apporte une au à 86° qui sort de terre avec un débit de 300 litres à la seconde.

La disponibilité d'eau très chaude un peu partout en Islande a entraîné la multiplication des piscines, le plus souvent en plein air, à travers le pays. Bléa Ionid, le Lagon Bleu ou Blue Lagoon, près de Keflavik à 45 km au sud de Reykjavik, est devenue une des plus fameuses attractions touristiques du pays. Une importante source d'eau bouillante située au pied d'un ancien volcan, à moins de 5 km de la côte, fait fonctionner une usine de production d'électricité, mais une partie de l'eau alimente aussi un petit lac aménagé eu milieu de champs de lave, où les visiteurs viennent se baigner en plein air, hiver comme été, dans une eau comprise entre 30 et 40° selon les endroits, dans un environnement tout à fait étonnant, celui d'un paysage lunaire, sans la moindre végétation. L'eau a une teinte bleue en raison de la silice qu'elle contient.

Cette production d'au bouillante prend parfois des formes spectaculaires, celles de jets intermittents, dont le plus connu est celui de Geysir (qui a donné le nom commun de geyser). Le geyser de Strokkur projette de l'eau à une hauteur de 20 mètres à peu près toutes les cinq minutes... On voit aussi dans divers sites d'autres phénomènes liés au volcanisme tels que des fumeroles répandant de fortes odeurs sulfureuses, des sortes de marmites naturelles dans lesquelles clapotent des boues bouillantes et malodorantes...

Les sources d'eau bouillante, voire de vapeur à plus de 150°, qui pourraient être équipées représenterait un potentiel annuel de production d'énergie équivalent à 250 millions de tonnes de pétrole. La production d'électricité avec un prix de revient très bas du kilowatt-heure a permis d'attirer deux usines de production d'aluminium, l'une d'Alcoa, l'autre d'Alcan, à partir de bauxite venant de l 'autre bout du monde. Les Islandais envisagent aujourd'hui de faire de leur pays demain un producteur et exportateur d'hydrogène, quand le prix du pétrole sera devenu très élevé et que ce gaz sera appelé à prendre le relais comme carburant automobile...

C’est l’Islande qui se montre à ce jour le pays le plus ambitieux de la planète dans ce domaine. Depuis 1999, le pays mise en effet sur l’hydrogène pour assurer son autonomie énergétique à l’horizon 2050. Il prévoit ainsi de substituer l'hydrogène au pétrole dans tout son parc de bus, de bateaux de pêche et de voitures. Le plan d’action, dévoilé en 2001 par le consortium Iceland New Energy, qui regroupe notamment Daimler-Chrysler, Norsk Hydro et Shell, prévoit six étapes, la dernière étant l’exportation de l’hydrogène vers l’Europe sous forme liquide à –253°C.

L'eau bouillante qui sort du sol permet déjà de chauffer de nombreuses serres pour produire des fleurs, des légumes et même des fruits tropicaux dont des bananes, comme c'est le cas à Hveragerdi (nom qui signifie les jardins chauds), une commune de 1 500 habitants où les serres sont particulièrement nombreuses et couvrent plusieurs diaines d'hectares !

Devenu aujourd'hui un atout économique à travers l'exploitation de la géothermie, le volcanisme reste tout de même une menace permanente pour les habitants du pays. Le 29 mai dernier à 15h45 (heure locale), une secousse de 6,1 sur l'échelle de Richter a secoué le sud-ouest de l'Islande et a fait de gros dégâts (pour un montant de 35,3 M euros), mais heureusement aucune victime, les constructions modernes evant répondre comme au Japon à des normes anti-sismiques très rigoureuses. La précédente grande secousse avait eu lieu durant l'été 2000.

L'activité volcanique peut être sous-marine comme celle qui a donné naissance en 1963 à l'île de Surtsey au sud de l'Islande. Des scientifiques ont récemment repéré une caldera de 10 km de diamètre prête à exploser à 1500 m de profondeur au large de la péninsule de Reykjavik. Une éventuelle explosion ne devrait pas présenter en elle-même de danger pour la population, sauf en cas de très violente secousse sismique...

Pour les marins bretons, ces phénomènes volcanique durent être une source de grand étonnement lors de leurs descentes à terre. On sait ainsi que les membres de l'équipage du «Pourquoi-Pas ?» qui étaient presque tous originaires de Bretagne (31 Bretons sur 34 hommes), allèrent en excursion lors de leurs escales dans le port de Reykjavik, en 1935 et en 1936, à Geysir voir le grand geyser projetant alors par intermittence un jet d'eau bouillante à 60 m de haut...

Prochaine chronique : Une population d'origine norvégienne et irlandaise


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