La crise de l'Europe initiée par l'Irlande n'est que le début d'une crise bien plus grave. Elle révèle le déficit institutionnel et en particulier l'absence d'un sénat de type américain où tous les États, petits ou grands, sont représentés à part égales en envoyant tous, deux sénateurs.
C'est ce manque de représentation à Bruxelles qui a fait dire NON aux Irlandais. L'Irlande est un pays qui a lutté près de 1000 ans pour acquérir son indépendance, elle n'est pas prête à la sacrifier dans une Europe où sa représentation serait injuste et soumise au dictat des grands États sans contrepoids.
Une deuxième crise bien plus grave se dessine à l'horizon, c'est l'incapacité pour l'Europe d'accepter des nouveaux États issus d'États constituants. Le pays Basque, voire l'Écosse, une fois indépendants, feront leur demande pour entrer dans l'Europe. Mais seront bien sûr rejetés — surtout par les pays n'ayant pas de procédure de référendum pour une demande d'adhésion. Une demande d'adhésion à l'UE devant être acceptée puis ratifiée par TOUS les États membres, la partie est perdue d'avance.
L'Espagne et la France, dans leur propre intérêt, seront les premiers à barrer la route des nouveaux États afin d'éviter une jurisprudence dangereuse. Ces États agiront bien sûr dans leurs intérêts mutuels.
Vue la psychologie connue des nations sans états dont la lutte pour la reconnaissance est si souvent entachée de sacrifices et de souffrances les plus diverses, qui ont été dans certains cas jusqu'au génocide, il est tout à fait raisonnable que l'indépendance primera même dans un contexte hors d'Europe. Surtout que des États hors de cette Europe, comme la Suisse, s'en sortent très bien.
La Suisse d'ailleurs est appelée à jouer un rôle majeur dans une nouvelle Europe qui se dessine à l'horizon. Il est concevable et même raisonnable d'entrevoir une deuxième Europe dont la capitale serait Genève. La Suisse connue pour son fédéralisme, son respect des langues et des cultures minoritaires, son sens de la démocratie locale, de la démocratie directe, de la dévolution et de la subsidiarité, pourrait devenir l'embryon d'une deuxième Europe en initiant une nouvelle Union et acceptant les nouveaux États issus des anciens États-nations. Ceux-ci sont trop enracinés dans leur histoire et leur droits hérités ou trop étrangers à la notion de fédéralisme pour pouvoir évoluer, soit en influant sur les institutions européennes, soit sur leur propre évolution dans le cas de la France.
Construire un état fédéral en France comme l'a fait l'Espagne ou comme il en existe de fait en Grande-Bretagne, non seulement est impossible mais le cas de la Belgique montre que ce n'est pas une garantie du tout de viabilité. Les différentes nations qui composent un État-nation ont des intérêts différents, des histoires différentes qui peuvent se juxtaposer tant que le pouvoir central ou fédéral présente suffisamment d'avantages.
La forte régionalisation en Espagne n'a pas du tout neutralisé les sentiments indépendantistes des Basques ou des Catalans. En Écosse, la dévolution n'a fait que renforcer le sentiment indépendantiste. La France a parfaitement compris ce phénomène d'où le revirement et les freins mis à la réforme Raffarin et la recentralisation engagée, depuis 2003 en particulier, dans les médias comme France 3 et Radio France mais aussi dans les refus systématiques d'accorder des droits à l'expérimentation, donc plus de pouvoir aux régions.
La France aurait tort de croire que la soif de pouvoir régional, de reconnaissance des droits nationaux ou des droits des minorités nationales vont disparaitre pour autant. Tout au contraire. Elle ne fait que reculer l'échéance inévitable. Il faudra un jour faire face aux réalités et à l'histoire et la France, comme le reste des États fondateurs de l'Union Européenne, n'y sont pas prêts.
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