Faut-il qu'elle soit imbibée du dogme de l'unicité, de l'identité de la langue et de la culture, et aveugle pour ignorer à ce point la réalité concrète de la société et des régions françaises ?
Faut-il qu'elle soit dans un tel état d'hébétude pour croire que la reconnaissance des langues régionales peut avoir un quelconque effet sur la situation du français dans le monde aussi bien qu'en France ? Rappelons que tous les enfants qui fréquentent les écoles bilingues possèdent couramment deux langues voire trois ou quatre; maîtrisent de ce fait mieux le français, et ont des résultats au Bac qui dépassent sensiblement la moyenne nationale. Mais, effectivement le français a du souci à se faire si ses zélateurs comptent sur l'éradication des langues régionales pour assurer son rayonnement mondial.
Faut-il qu'elle soit formatée et malhonnête pour faire semblant de croire que les langues régionales peuvent vivre si elles n'ont pas une place simplement conforme au droit international tant à l'école que dans les médias ? Une langue n'est pas seulement un droit individuel mais aussi et nécessairement un droit collectif.
Faut-il qu'elle soit à court d'arguments sérieux pour ne trouver qu'à agiter l'épouvantail de la difficulté d'emploi des langues régionales dans l'Administration et la Justice, alors que chacun sait que cet aspect n'est pas, et de loin, primordial pour les locuteurs des langues de France ?
Faut-il qu'elle soit encore engluée dans un esprit colonialiste et inculte pour soutenir ainsi la politique d'éradication des langues régionales menée depuis plus de deux siècles ? Quand un pays a la chance d'avoir encore vivantes sur son territoire une langue pré-indo-européenne comme le basque, une langue celtique comme le breton (une langue sœur de celle de « nos ancêtres les Gaulois » !) et dont les premiers textes attestés sont sensiblement antérieurs au français, des langues reconnues comme langues officielles dans les pays voisins comme le catalan ou l'occitan, une autre langue d'échanges internationaux comme l'alsacien, forme locale de l'allemand, etc… n'a-t-il pas plus à gagner en valorisant ces richesses qu'en les combattant ? Croit-il mieux réussir sa politique de sensibilisation citoyenne en discriminant une partie de sa population ?
Faut-il qu'elle ignore le sens des mots – elle qui est chargée de faire le dictionnaire ! – pour ignorer à ce point la signification de « démocratie », « respect des droits fondamentaux », « diversité culturelle » ?
N'est-elle pas pitoyable dans ses arguties relatives au crime de lèse-majesté de la langue française qui se trouverait citée en article 2 alors que les langues régionales au droit à l'article 1 ? Pour notre part, aucun problème, nous sommes prêts à faire l'échange intégral et qu'on reconnaissance en article 1 le français comme patrimoine de la France et les langues régionales en article 2 comme langues de la République.
Est-il sérieux de croire que la reconnaissance des langues régionales porte « atteinte à l'identité nationale » ? L'apparition des langues régionales dans la Constitution n'est pas soudaine. C'est la suite logique de l'apparition en 1992 dans la Constitution, de la mention «La langue de la République est le français». Le Conseil Constitutionnel en avait conclu que la langue française était obligatoire dans les relations publiques et excluait les langues régionales. C'est pour éliminer cette interprétation et respecter les langues régionales, qui sont, elles aussi, une réalité multi-séculaire, que l'Assemblée Nationale apporte cette modification.
Heureusement, comme dans toutes les catastrophes provoquées par l'homme, il existe aussi des esprits libres (quand même il n'y en aurait qu'un seul !), des « justes » qui ne se croient pas obligés de hurler avec les loups, de plier devant des dogmes d'un autre âge et qui osent exprimer leur désaccord. Merci Monsieur Orsenna ! Vous seul mériterez le titre d'Immortel !
Conseil Culturel de Bretagne, Rennes, le 18 juin 2008
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