Un nouveau prix littéraire, le prix Landerneau

Présentation de livre publié le 18/06/08 8:13 dans Cultures par Bernard Le Nail pour Bernard Le Nail

On connaît l'expression «faire du bruit dans Landerneau», fréquemment utilisée encore aujourd'hui dans la presse pour suggérer qu'une nouvelle va susciter beaucoup d'étonnement, voire d'émotion. Cette expression est née il y a plus de deux siècles, en 1796, sous la plume d'un écrivain breton assez oublié aujourd'hui : Alexandre Duval, qui a fait dire à l'un des personnages de sa pièce Les Héritiers : «Cela va faire du bruit dans Landerneau !»

Né à Rennes en 1767, Alexandre Duval fut un personnage tout à fait étonnant et sa vie fut un vrai roman, il combattit sur le sol américain et plus tard en Russie, il fut ingénieur géographe, portraitiste parlementaire, dramaturge, académicien et bibliothécaire. Il n'acheva pas ses études au collège de Rennes car, à 14 ans, il arracha à ses parents l'autorisation de s'engager dans le corps expéditionnaire français envoyé en Amérique sous le commandement de Rochambeau porter secours aux colons américains révoltés contre l'Angleterre. Revenu en Bretagne, il entra dans l'administration des ponts et chaussées, mais mena surtout une vie dissipée en compagnie du jeune Jean-Victor Moreau, alors étudiant en droit à Rennes et futur général de la Révolution.

Manifestant un goût très prononcé pour le théâtre, il monta quelques comédies à Rennes avec des amis et souhaita ardemment aller à Paris. À l'insu de ses parents, il réussit en 1788 à se faire nommer secrétaire de la commission intermédiaire des États de Bretagne qui se rendait à Paris. Il y resta et parvint à se faire embaucher un temps comme acteur dans la troupe du Palais Royal et, dès 1791, il allait se mettre à écrire lui-même des pièces de théâtre. En attendant, il fallait bien survivre et il se fit engager comme ingénieur-géographe sur le chantier du canal de Dieppe et il suivit quelques cours à l'Académie d'architecture. En juillet 1789, se trouvant sans ressources, il partit pour Versailles et, bien qu'étant plus doué pour le dessin de plans avec une règle et un compas que pour le portrait, il réussit à se faire confier avec une poignée d'autres artistes la réalisation des portraits de chacun des députés de l'Assemblée constituante.

Soldat de la République, puis de l'Empire, il combattit sur différents théâtres d'opération, jusqu'en Russie. Revenu à Paris, il eut, de 1806 à 1836, une production ininterrompue de pièces de théâtre - un quarantaine au total - dont beaucoup étaient des pièces historiques. Une des ces pièces, «Édouard en Écosse», le brouilla avec Bonaparte, mis connut un grand succès dans toute l'Europe. En 1816, Alexandre Duval fut reçu à l'Académie française. Un peu plus tard, il fut nommé administateur de la Bibliothèque de l'Arsenal. Il mourut à Paris le 9 janvier 1842 et fut enterré au cimetière Montparnasse, voisin de l'actuelle gare du même nom.

La récente création d'un nouveau prix littéraire, le prix Landerneau, par Michel-Édouard Leclerc peut être considérée comme un clin d'œil à Alexandre Duval, même si c'est surtout une manière de rappeler que le mouvement Leclerc est né dans cette ville du Léon en 1949 quand Édouard, le père de Michel, a eu l'idée de transformer son épicerie en magasin discount...

Michel-Édouard Leclerc qui se pique d'intérêt pour l'édition et, particulièrement pour la bande dessinée, et qui a créé les Espaces culturels Leclerc, apporte son soutien chaque année à un certain nombre de manifestations littéraires, dont le festival Étonnants Voyageurs qui a lieu chaque année depuis 1990 à Saint-Malo à la Pentecôte. Le montant du nouveau prix qu'il a créé, s'élève à 6 000 euros et s'accompagne d'une campagne de presse nationale ainsi que d'une mise en valeur du livre lauréat dans tout le réseau Leclerc, à commencer par les 140 espaces culturels.

Le premier prix Landerneau vient d'être remis lundi dernier, le 16 juin, à Yasmin Char pour son livre «La main de Dieu», paru chez Gallimard. Cette romancière libanaise y raconte l'adolescence d'une jeune fille de la haute bourgeoisie dans un Liban en guerre, mais aussi la sensualité de l'éveil amoureux et la complexité d'un monde qui s'effondre. C'est son premier roman.


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