Tour à tour, les pêcheurs, les agriculteurs, les transporteurs, les ambulanciers, les taxis… se mobilisent pour obtenir des mesures sur le carburant. En bloquant les quatre voies ou les ronds-points : certains diraient qu'ils prennent les usagers de la route en otage. Ils ont pourtant raison de défendre leurs entreprises : à travers leurs professions menacées par un renchérissement insupportable du coût du gazole, ce sont des milliers, des dizaines de milliers d'emplois qui sont en jeu. Et on ne peut pas regretter de voir ces professionnels réputés « indépendants » revendiquer un État interventionniste, même si la cohérence n'est pas forcément au rendez-vous… Mon propos est ailleurs…
Et les salariés ?
Le marché de l'emploi est tel, dans un Goëlo démuni d'un véritable réseau de transports en commun, que nous sommes des dizaines, des centaines, à devoir prendre notre voiture pour nous rendre au travail, qui à Saint Brieuc, qui à Guingamp, qui à Tréguier ou Lannion.
Et le marché de l'immobilier est tel, dans notre secteur en proie à une pression foncière inédite, que nombre de jeunes ménages, qui travaillent à Paimpol, se voient contraints d'aller habiter à 10 ou 15 km de leur lieu de travail, voire davantage. C'est vrai pour ceux qui souhaitent accéder à la propriété. Cela devient également vrai pour les locataires : il y a peu de temps, une étude de la CLCV révélait que l'augmentation des loyers pouvait atteindre 30 % en zone littorale.
Résultats, en moins d'un an, le budget carburant des salariés que nous sommes a explosé pour atteindre des niveaux intolérables. Chacun sait qu'un plein, qui revenait il y a quelques mois encore à 45 € ou 50 €, frôle aujourd'hui les 70 € ou 80 €. Et il faut revenir très souvent à la pompe...
La semaine dernière nous rappelions la part du budget transports dans les dépenses d'un ménage en zone rurale : 7,5 % (contre 2 % en région parisienne). Mais le pire est à venir : Demain des demandeurs d'emplois seront radiés parce qu'ils n'auront pas accepté un travail situé à des dizaines de kilomètres de leur domicile. C'est contraints et forcés que les chômeurs devront dépenser à la pompe leur maigre gain.
Alors que faire ?
De bonnes âmes diront qu'il faut moins utiliser sa voiture… C'est sûrement vrai, ne serait-ce que pour diminuer les émissions de CO2 et lutter contre le réchauffement de la planète… C'est en l'état malheureusement impossible pour bon nombre de salariés…
On sait que, dans le prix du litre du carburant que nous payons à la pompe, il y a 80 % de taxes. Le Président de la République amuse la galerie avec ses propositions sur la TVA qui dépendent de décisions européennes : elles viennent d'être refusées par Bruxelles. Il est commode, une nouvelle fois, de faire porter le chapeau à l'Europe. Mais il ne dit rien de la TIPP flottante, qui ne relève que de son gouvernement. C'est une solution. Il y en a peut-être d'autres, comme le chèque transport… mais comment imposer leur mise en œuvre ?
Ce qui est vrai, c'est que, grâce aux taxes sur le carburant, l'État voit ses recettes augmenter. Dans le même temps, les bénéfices des compagnies pétrolières, Total en tête, explosent. Ainsi, toujours selon l'UFC Que choisir, la marge des compagnies pétrolières pèse pour 47 % dans la hausse du prix du gazole depuis janvier. Pendant ce temps, d'autres souffrent, sans pouvoir se défendre.
Les automobilistes captifs que nous sommes sont isolés. À l'exemple des professions citées plus haut, ne devient-il pas urgent de s'organiser, pour réagir tous ensemble ? Et si la résistance partait du Goëlo ?
Pierre Morvan – UDB Paimpol-Goëlo
■